Dénoncer et assumer
Par Nourr Edine
A Rabat, un fils à papa défraie la chronique, au volant d’une Ferrari, bouteille de champagne à la main et musique à tue-tête.
A Fès, un procureur roue de coups un vigile à Marjane, il est suspendu de ses fonctions. Ensuite, un individu accusé de « viol aggravé » et « violences volontaires aggravées » et qui risque, selon les articles 222-27 à 222-30 du code pénal français, jusqu’à dix ans de prison (si l’agression sexuelle est avérée), se félicite, au lendemain de sa libération en résidence surveillée, du nombre de vues de sa vidéo, mise sur le net pour remercier ses fans…
Il y a comme une négation rampante de cette morale qui baignait les familles marocaines depuis toujours.
Nos ancêtres ne se reconnaitraient plus en nos comportements et des adages viennent stigmatiser ces dérives comme « Khra khritou ou haz 3liha do » (Il a chié et a éclairé sa merde) ou « ham9a ou galouliha zaghrti »…
On ne peut pas tolérer sans réagir qu’un fils de milliardaire vienne à manquer à cette retenue légendaire des citoyens, qu’un responsable du système judiciaire se croit au dessus de la loi et porte atteinte à la dignité d’un citoyen dans l’exercice de sa fonction, ou qu’un prétendu artiste et fils d’artistes veuille normaliser le viol et l’agression sexuelle au point de s’en servir pour se faire la publicité.
Je ne sais pas pour vous, mais dans le fin fond de ma mémoire, il y a ce devoir de réserve qui veut que quand on a fait une bêtise (ici, ce sont des conneries !), on fait profil bas et on essaie de se faire oublier.
Au contraire, il semble que le buzz dépasse cette qualité du marocain qui, dans la tradition, en se faisant petit au lendemain d’une erreur, est une manière de demander pardon. Ce respect des autres dans leur manière d’être, comme par chance, n’est l’apanage que des couches sociales basses et moyennes.
Le pouvoir, l’argent et l’autorité semblent avoir gommé, chez ces larbins de la haute, toute dignité et toute reconnaissance de ce qui fait du vrai citoyen de ce pays, un être respectueux des autres et de lui-même.
Il y a encore, chez ce que Zola appelait, le petit peuple beaucoup de dignité et dirai-je même, cette élégance à se retenir et éviter de se croire supérieur. Cette conscience des autres fait le charme d’un peuple généreux et c’est de cette générosité que découle cette tendance à s’auto-punir quand on a enfreint cette règle de vie.
Quand, dans une société le respect de la loi et des valeurs ancestrales, est enterré sous le couvert d’un statut, d’une fortune ou d’un pouvoir, la porte est ouverte à la dégradation des moeurs et légitime des réactions comme la loi de la jungle avec une délinquance qui s’affiche dans la rue sans vergogne. En témoigne ce phénomène, étranger à notre culture et que sur la toile, on appelle « Tcharmil ».
Réagir avec autorité, donner l’exemple et ne pas hésiter à stigmatiser, sanctionner et punir ces dérives à l’encontre de ce qui fait la spécificité première du marocain, telle devait être la première priorité des responsables avec en deuxième importance, l’école… Bien avant le prix de la butane de gaz !