Maroc-Pays du Golfe: destin commun face à un nouvel ordre mondial
par Khalid Baddou, acteur associatif
Alors que les analystes se penchaient sur les raisons et l’impact économique des baisses vertigineuses qu’a connues le cours du pétrole pendant les derniers mois, les spécialistes de la géopolitique y voyaient les prémisses d’une guerre de «Bones Breaking» ou plutôt un «Stress Test» grandeur nature pour évaluer les capacités de résistance des protagonistes impliqués.
D’une part, les États Unis, qui avaient comme objectif stratégique depuis la crise des années 70 d’atteindre l’autosuffisance énergétique, et qui ont réussi avec leurs réserves pétrolières et les immenses découvertes du gaz de schiste à tourner le dos à leurs fournisseurs classiques, libérant ainsi son économie de sa dépendance.
D’autre part, l’Arabie Saoudite et avec elle les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG), qui devaient contrer l’impact de la normalisation des relations entre les États Unis et l’Iran, en maintenant le même seuil élevé de production du pétrole malgré la baisse de la demande mondiale (Chine et UE en particulier).
Une décision à double tranchant, puisqu’en parallèle à son impact négatif prévu sur les recettes iraniennes, un prix du baril de moins de $35 affaiblit les revenus de l’Arabie Saoudite dont une partie conséquente est destinée à la subvention des biens et services des citoyens du pays. Toute révision drastique ou interruption de ces subventions impacterait la stabilité politique et sociale du royaume. La capacité de résilience durable des pays du Golfe à ce « Stress Test » est ainsi mise à l’épreuve.
Il est clair que la carte géopolitique est en train d’être redessinée au Moyen Orient, entre l’Iran, la Turquie et les pays du CCG comme protagonistes principaux, les États Unis et la Russie comme meneurs de jeu. Alors que le chaos sécuritaire s’élargit progressivement en Iraq et en Syrie, les pays du Golfe ont finalement pris conscience que les États Unis – allié politique et militaire d’antan – a fait muter ses paradigmes et son implication au Moyen Orient et souhaiterait imposer un nouvel équilibre entre les nouvelles forces de la région.
Ainsi, les 6 Etats se serrent les coudes davantage et commencent la préparation de la phase de l’après pétrole avec des investissements colossaux, issus de leurs fonds souverains, qui leur permettront de maintenir une influence et un pouvoir de négociation imposant et transfrontalier. La nouvelle carte à jouer serait la capacité d’attraction aux milliers de milliards de dollars mis en jeu aujourd’hui pour des investissements divers dans la région et dans le monde. Refaire l’erreur de mettre tous les œufs dans le même panier américain serait néfaste pour le futur du groupement des monarchies du Golfe.
Le Maroc est en train de se positionner dans ce nouvel ordre mondial en construction. Alors que des organes comme l’Union du Maghreb et la Ligue Arabe sont devenus des coquilles vides, le royaume chérifien ne peut que compter sur ses nouveaux alliés économiques et politiques.
Les cinq dernières années ont connu ainsi une dynamique diplomatique effervescente, accompagnée de l’ouverture de nouveaux canaux avec l’Afrique francophone, la Russie, l’Inde, la Chine et les pays du Golfe. Le dossier du Sahara n’est que le fer de lance de cette dynamique, car l’enjeu principal réside dans la capacité du Maroc à s’imposer dans le nouvel ordre géopolitique mondial, ou alors de subir une position marginale que les forces prédatrices souhaiteraient lui imposer.
En d’autres termes, le vrai dilemme serait : Être ou ne plus Être !