Test salivaire: pourquoi les Marocains n’en bénéficient pas ?
par Amine Berrada, pharmacien
Pourquoi les tests salivaires de la covid-19 doivent ils retourner chez l’envoyeur ? Telle est la question légitime que se posent aujourd’hui les pharmaciens d’officines qui exercent sur l’ensemble du territoire national; dans l’expectative d’une réponse qui peine à trouver un biais légal pour la décision prise par le ministère de la Santé à travers la lettre envoyée par la Direction du médicament et de la pharmacie aux grossisteries pharmaceutiques. Une autre preuve que le secteur officinal souffre de manque de transparence et de confiance!
L’article premier de la loi 84-12 relative à la DMP montre bien que le test en question rentre dans la catégorie des Dispositifs médicaux (DM) selon l’article 12 de la même loi. Ces produits ne nécessitent nullement une quelconque autorisation pour être commercialisés en officine, « la mise en marche d’un Dispositif médical est subordonnée à l’obtention préalable d’un certificat d’enregistrement délivré par l’Administration après consultation de la Commission nationale consultative des DM ». Ainsi, le DM est libre d’être vendu et sa commercialisation en officine, en particulier, n’est soumise à aucune disposition particulière.
Il faut signaler que le test dont il s’agit a obtenu son certificat d’enregistrement le 3 juin 2021,pour une durée d’un an, et que la société qui le commercialise avait commencé la vente à travers le réseau de distributeurs avant d’atterrir sur le comptoir des pharmacies qui, elles aussi, avaient débuté sa vente à leur patients-clients. Une action qui a permis de rendre service aux personnes désireuses de faire le test individuel, sans avoir à prendre un rendez-vous au laboratoire et sans avoir à payer énormément pour avoir un résultat préliminaire, qui justifierait un test sérologique.
La réalisation du test salivaire de la covid-19 est une procédure aussi simple à faire qu’un test de grossesse, et sa vente en officine pousserait le pharmacien à encourager les malades, ayant eu un résultat positif, à faire une analyse plus approfondie au laboratoire, mais elle éviterait des frais injustifiés à un individu sain et aux caisses sociales..
Il faut dire que le Syndicat des biologistes ne voit pas les choses sur cet angle et que, bien au contraire, il semblerait que les membres de cette Chambre syndicale aient vu rouge quant à la possibilité de perdre une part de marche dans les tests covid-19. Ladite Chambre, dans un communiqué, a sévèrement critiqué la démarche du fournisseur de mettre les tests à disposition des officinaux en explicitant: «Les pharmaciens ne sont pas habilités à réaliser les examens de biologie médicale, sauf ceux spécifiés dans l’arrêté du ministère de la Santé n° 1131 relatif à la loi 12-10 ».
En réalité il ne s’agit pas de réaliser des examens biologiques puisque le test est individuel et n’est aucunement réalisé en officine, mais bien par le patient-client lui-même, chez lui, de la même manière qu’un test de grossesse. Mais il y a aussi un détail que le communiqué omet de signaler, c’est que le test en question est vendu en officine dans la plupart des pays développés, en particulier en Europe,où la population bénéficie d’une couverture sociale généralisée.Alors qu’au Maroc, le citoyen déjà exténué par une crise économique prolongée se voit retirer une alternative qui aurait pu réduire ses frais d’analyses.La décision du ministère de la Santé de retourner les tests salivaires, selon un mobile défaillant, est hors-sujet puisque la loi n’exigerait aucune autorisation puisque la décision pèche par manque de substrat et n’est, en réalité, qu’une conspiration contre le droit du citoyen à choisir la méthodes et le test qui conviennent à sa bourse et ses moyens.
Aujourd’hui les pharmaciens d’officine sont dans le droit de se poser les questions suivantes. La lettre du ministère n’est-elle autre qu’un alignement sur la position injuste et erronée de la Chambre syndicale des biologistes ? Où est-ce une énième décision de soustraire aux officinaux l’opportunité de valoriser encore plus leur rôle de proximité au citoyen dans la chaîne de santé?
En réalité, celui qui payera l’injuste prix de cette décision n’est autre que le citoyen qui devra toujours trinquer pour obtenir ce qui est déjà légal sous d’autres cieux, alors que la crise sanitaire bat son plein à l’ère du variant Delta.
Pour conclure, il est important de rappeler aux lobbies en question que les tests salivaires sont accessibles et fiables partout dans le monde, que la décennie qui viendra verra surement se démocratiser les tests rapides de tout genre et que, sûrement, il suffira de télécharger une application de smartphone pour obtenir des résultats qui, autrefois, étaient l’exclusivité des laboratoires. Et que, finalement, le renouvellement du secteur de biologie devra passer par une étape plus noble que le lobbying pur et réducteur du droit du citoyen à une médecine de proximité moins onéreuse,mais aussi en particulier à des tests qui facilitent la vie à tous …..ou presque!