Si on rêvait d’un Maroc meilleur en 2017
par Jalil Bennani, psychiatre et psychanalyste
Les vœux sont comme les rêves. Ils portent nos espoirs, traduisent nos désirs et nos souhaits. Et puisqu’il faut bien sacrifier aux vœux de nouvel an, rêvons un peu…
Nombre de nos concitoyens, vivent une sorte de « schizophrénie », dit-on à souhait. Bannissons d’emblée ce mot car il convient de ne pas pathologiser la société. Les Marocains ont une identité plurielle. Attachés aux traditions ? Oui, mais cette tradition est profondément remaniée par tout ce qui relève d’une modernité majoritairement venue de l’Occident. Même lorsque cet apport est dénié, pour trouver refuge dans une tradition plus forte que celle des générations des parents et grands-parents, ce déni signe un moyen de défense contre l’ouverture à l’inconnu. Rêvons que les citoyens assument résolument une pluralité non seulement identitaire mais multiculturelle.
Le Maroc est devenu un exemple dans toute la région MENA pour sa politique d’accueil des migrants et des réfugiés. L’ouverture à ceux qui ont fui la misère économique, les persécutions et les guerres est une attitude hautement humaine qui nous interpelle sur notre rôle dans le monde, nous questionne sur notre aptitude à renouveler notre hospitalité, nous remet en question dans notre rapport à l’autre, différent. Reste que la lutte contre les stéréotypes et les préjugés ne fait que commencer. En accueillant l’étranger, on accueille sa nationalité, sa culture, sa langue, sa religion, ses compétences. Rêvons que nos citoyens prennent conscience du fait que les migrants constituent une richesse et non une charge.
Nous assistons ces dernières années à des crispations identitaires centrées sur le discours religieux. Les discours fondamentalistes sèment la haine, la ségrégation et des destructions, s’éloignant ainsi de l’essence du discours religieux : celui d’une structuration des communautés humaines. Une refonte des manuels d’éducation est en cours. Elle reste bien en deçà des attentes. Il est même des positions très rétrogrades et largement dépassées, dénigrant la pensée rationaliste, au profit du seul discours religieux. La culture, au sens très large doit reprendre toute sa place, constituer le socle de notre mémoire et de nos projets d’avenir. Rêvons que l’éducation religieuse porte sur toutes les religions et que les citoyens accèdent à la liberté de conscience.
La jeunesse, plus particulièrement, en appelle à liberté. Liberté des rencontres amoureuses, liberté du choix de son conjoint, indépendamment de son sexe. Cela implique une dépénalisation des relations hors mariage, une dépénalisation des relations homosexuelles. À coté des relations hétérosexuelles, l’orientation d’un homme pour un homme, d’une femme pour une femme existe dans toutes les sociétés. L’identité sexuelle n’est pas déterminée que par le sexe biologique. Les sanctions ne peuvent pas réprimer les désirs et les pulsions sexuelles. Ils conduisent le plus souvent à la transgression des interdits. La jeunesse s’inquiète, s’impatiente et vit mal les frustrations. Rêvons que tous ceux qui portent des responsabilités soient moins moralisateurs, plus à l’écoute des jeunes et leur ouvrent plus d’espaces au sein de la société.
Notre société est en proie à des violences. Violence des discours, violence des actes. La violence individuelle interroge toujours les conditions éducatives, sociales et économiques de son émergence. Le monde est traversé par des guerres, des violences et des atrocités inouïes. Comme si la civilisation et la culture n’avaient plus leur place, et que libre cours était laissé à des pulsions primitives. Ces faits dépassent les individus et pointent les responsabilités des dirigeants du monde actuel. Nous vivons dans un monde globalisé. Mais comme l’écrit le philosophe Marcel Gauchet: « Si la mondialisation jette toutes les sociétés dans la même histoire, c’est à partir d’histoires profondément différentes ». Rêvons de pouvoir respecter les différences, partager nos expériences et ne pas fermer la porte à l’avenir.