Chroniques

La morale au service d’une schizophrénie sociale

noureddine Par Nourr Edine

Sanaa et Hajar, âgées respectivement de 16 et 17 ans, ont été arrêtées le 27 octobre, après avoir été surprises en train de s’embrasser sur le toit d’une maison. Dénoncées par une proche, certains disent une tante, elles sont arrêtées selon l’article 489 du code pénal, et risquaient de 6 mois à 3 ans de prison.
Le tribunal vient de les relaxer en les reconnaissant innocentes des faits qui leur étaient reprochés.
Il a fallu une mobilisation nationale et internationale, jusqu’à Laila Slimani, (Prix Goncourt 2016) pour que les juges se rangent du côté de la raison au lieu de se plier aux contingences hypocrites d’une morale maintenue sous perfusion par des politicards qui en ont fait leur fonds de commerce.
Pour s’être embrassées sur le toit (encore une enceinte privée comme pour le cas de Beni Mellal), parce qu’une proche les a dénoncées, encore une fois, des agents de la sûreté nationale se sont déplacés, les ont arrêtées puis emmenées au poste pour remplir des pages, dérangé le procureur de Sa Majesté qui, lui aussi a jugé bon de les jeter en prison. Elles passeront plusieurs jours dans l’atmosphère glauque d’une maison d’arrêt avec tout ce que cela signifie comme préjudice moral et sûrement physique, humiliation, privation et incompréhension.
Tous ces braves gens de la justice et de la Sûreté nationale iront dormir, la conscience tranquille en s’abritant derrière un article de notre code pénal et une morale au service d’une schizophrénie et doublée d’une paranoïa collective !
Des adolescentes, mineures, encore ignorantes de l’impact de ces flux d’hormones qui apparaissent dans leurs corps à la puberté, sont jugées coupables de porter atteinte à la morale, d’ébranler les croyances et les traditions.
Comme par hasard, après l’article 489, vient le 490 qui, lui traite de l’adultère entre adultes et nous savons qu’un cas récent n’a donné lieu, avec flagrant délit, qu’à deux mois avec sursis et 500 Dh d’amende sans passer un seul jour en prison !
Quelque chose ne va pas dans notre système judiciaire sinon comment expliquer que des baisers d’adolescentes sur un toit méritent des jours de prison alors qu’un flagrant délit d’adultère entre adultes en public ne donne pas un seul jour de prison !
Il y a comme une odeur malsaine, comme un relent de vice qui souille nos salles d’audience. Il y a comme une utilisation du pouvoir judiciaire pour maintenir la société dans des temps révolus. Il y a comme un calcul prémédité pour faire du machisme, un ingrédient de la citoyenneté. Sinon comment expliquer cet acharnement sur des actes, en d’autres lieux, anodins pour les brandir comme un étendard pour la défense de la morale et de la pudeur.
Il y a la Justice, celle aveugle qui punit toute infraction au droit mais c’est la même Justice qui s’interpose comme un rempart quand une liberté individuelle est menacée.
Comment peut-on croire que nous pouvons prétendre à un Etat de droit quand les valeurs de la démocratie sont amputées ou interprétées autrement que comme elles sont écrites sur la charte universelle des droits de l’homme ?
Ces jeunes adolescentes ne sont pas coupables (la justice vient de les innocenter) et l’Etat a porté préjudice à leur dignité et à leur liberté. Non seulement, l’Etat doit leur présenter des excuses, mais doit les indemniser à hauteur du préjudice porté !
Pour les « followers » de cette morale hypocrite quand ils s’exclameront que l’homosexualité n’est pas admise au Maroc, il faudra leur répondre que l’Etat marocain n’avait pas à parapher la charte universelle des droits humains car ils semblent oublier qu’avant d’être Marocains, musulmans, chrétiens ou athées, nous sommes d’abord humains. Le cas de ces jeunes adolescentes comme celui d’autres minorités, relèvent de l’humain !

Alors qui n’est pas humain lève le doigt !


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