Sorcières, cris et chuchotements
par Jalil Bennani, psychiatre, psychanalyste et écrivain
Un nouveau drame est survenu à Salé. Une femme, accusée de sorcellerie, vient de faire l’objet d’une effraction de domicile par une foule de jeunes.
Quels sont les faits ? Ayant découvert un chat, le museau cousu et renfermant la photo d’un jeune homme, ils accusent cette femme de lui avoir jeté un sortilège. Ils se dirigent alors vers son domicile et fracassent la porte d’entrée.
Ayant appris cela, j’ai d’abord pensé qu’il s’agissait d’un poisson d’avril ! Mais les faits sont malheureusement confirmés.
Le sorcier peut être consulté pour des décisions, un conseil alimentaire, un port de «grigri» pour se protéger et éviter de subir le mal. Il peut être vénéré ou redouté. On recourt aux sorciers pour produire des bienfaits sur une personne, pour s’attirer l’amour ou au contraire pour des actes maléfiques censés nuire à autrui sur lequel on porte sa jalousie, sa haine et sa vengeance. Le sorcier recourt alors à des moyens magiques pour envouter, produire le mal, exorciser. La sorcellerie n’est pas propre à notre culture. Très présente dans certains pays, notamment en Afrique subsaharienne, au Maroc elle peut clairement s’afficher ou opérer clandestinement, selon les milieux et les besoins.
Dans notre société, la sorcellerie s’appuie sur le champ religieux pour se légitimer. Le sorcier, se référant à la notion de shour, souvent attribuée au chaytane, invente et recourt à des pratiques antéislamiques pour accomplir sa besogne. Si ces pratiques remontent à la nuit des temps, les manifestations de rejet récentes de la foule viennent témoigner de l’émergence de la modernité. Modernité anarchique où la révolte d’un groupe social, quelle que soit la légitimité de sa colère, ne saurait se substituer à la justice, comme l’ont déjà affirmé les autorités de ce pays. Mais les acteurs de ces pratiques et ceux qui y croient illustrent l’obscurantisme qui rampe sous nos cieux.
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