Chroniques

Sexe, makhzen et vidéo

Par Bahaa Trabelsi, journaliste et écrivaine

Que font les partis politiques pour protéger une partie de la population marocaine?
Tout a commencé avec une vidéo. Les images, empreintes de violence et de barbarie, relèvent de l’innommable.
Deux jeunes hommes en sang, nus, se font rosser par un groupe de personnes qui non satisfaites de « faire justice », hurlent d’appeler le makhzen pour punir les infortunés en accord avec le code pénal en vigueur.
En effet, l’article 489 du code pénal marocain criminalise « les actes licencieux ou contre nature avec un individu du même sexe ». Mais au delà de cette aberration inscrite dans l’obscurantisme, ce même code pénal ne punit-il pas la violation de domicile et l’agression à l’arme blanche?

La justice finit par condamner les agresseurs à deux mois de prison avec sursis. La victime quant à elle écope d’une peine de quatre mois de prison ferme pour « actes sexuels contre-nature avec récidive et ivresse ».
Le parquet poursuit également la deuxième victime pour « actes sexuels contre-nature » et les quatre hommes pour leur irruption dans l’appartement et « port d’armes ». Par ailleurs, dix-sept organisations des droits humains exigent « l’abrogation de l’article 489 du Code pénal afin de garantir et de protéger les libertés individuelles et la vie privée des citoyennes et des citoyens ».
Dans la nouvelle constitution de 2011, le préambule stipule que le Royaume du Maroc s’engage à « bannir et combattre toute discrimination à l’encontre de quiconque, en raison du sexe, de la couleur, des croyances, de la culture, de l’origine sociale ou régionale, de la langue, du handicap ou de quelque circonstance personnelle que ce soit ».
Mais que vaut un texte constitutionnel sans loi organique? Que font nos politiciens? Pourquoi les partis politiques ne condamnent-ils pas clairement l’homophobie et ne demandent-ils pas à ce que l’article 489 soit abrogé?

Ils ont été élus aussi pour protéger les citoyens et veiller à ce que justice soit faite. Pourquoi ce silence? De quoi ont-ils peur?
Dans la Déclaration des Nations Unies relative aux droits de l’Homme et à l’orientation sexuelle et l’identité de genre, il est clairement dit: «Nous demandons instamment aux États de prendre toutes les mesures nécessaires, notamment législatives et administratives, pour garantir que l’orientation sexuelle et l’identité de genre ne soient, en aucune circonstance, le fondement de sanctions pénales, en particulier d’exécutions, d’arrestations ou de détention. Nous demandons instamment aux États de garantir que des enquêtes sont menées sur les violations des droits de l’Homme fondées sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre et que leurs auteurs sont reconnus responsables et traduits en justice».

Il est temps de faire face à nos responsabilités. L’homosexualité n’est ni une maladie ni un acte criminel, c’est une orientation sexuelle au même titre que l’hétérosexualité ou la bisexualité. Nos citoyens homosexuels sont menacés. Ils représentent selon les statistiques mondiales entre 5 et 10 % de la population.
Certains fuient le pays et demandent asile ailleurs, d’autres se terrent comme un gibier pris en chasse. Est-il normal qu’une société lynche sans vergogne une partie de sa population?

Est-il normal de nier ce qui est? Quand j’étais bénévole à l’Association de lutte contre le sida, les gens refusaient d’entendre parler de prévention, parce que d’après eux, les Marocains ne sont pas censés avoir de rapports sexuels hors mariage. De qui nous moquons-nous? Nos partis politiques doivent se positionner comme le fait la société civile à travers ses associations au risque de perdre des électeurs. Il y va de leur devoir.


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