L’avenir du Maroc ne se construira pas sans sa diaspora
Depuis plusieurs décennies, le Maroc fait face aux défis d’un monde en pleine mutation et à une contrariété géopolitique conséquence du blocage de son voisin de l’est: l’Algérie. Le pays se tourne alors vers l’Europe. Il demande l’adhésion à la CEE en 1984 après avoir quitté l’Organisation de l’Unité Africaine qui avait admis la RASD et bénéficie en 2008 , après de longues négociations, d’un statut avancé.
En suite, le royaume s’oriente vers les États-Unis pour conclure un accord de libre-échange entré en vigueur en 2006. Pour contourner les obstacles régionaux à l’émergence de son modèle économique, le Maroc ira jusqu’à envisager son intégration au Conseil de Coopération du Golfe. Enfin, renforcé par toutes ces ouvertures, il opte en 2017 pour une logique d’affrontement avec les adversaires de son intégrité territoriale et retrouve, non sans peine, l’Union Africaine, son espace vital.
L’avenir du Maroc est essentiellement au Maroc
L’Afrique, terre d’avenir, est également un gouffre qui peut se révéler épuisant. Surtout l’Afrique francophone où le Maroc a déjà une présence significative. Elle a cependant un rythme de croissance moins important que la zone anglophone. Mais si notre destin est lié à l’Europe et l’Afrique, l’avenir du royaume devrait se construire d’abord et avant tout au Maroc afin de renforcer considérablement nos capacités face à une concurrence rude des chinois, américains, turques ou européens opérant dans le continent noir. Et notre vrai modèle de développement devrait être puisé dans ces pays qui ont su se construire seuls, sans s’isoler, pour devenir des puissances émergentes.
Les exemples à suivre sont la Corée du Sud, la Malaisie ou Taiwan que la fermeture chinoise a fait et renforcé. Des nations qui ont pu trouver des raccourcis pour une industrialisation rapide, une économie de la connaissance, en investissant sur le capital humain afin de stimuler la créativité tout en valorisant les métiers d’avenir. Le défi serait double : consolider notre position en Afrique pendant qu’un État stratège favorise l’innovation, le numérique, la santé, les transports futures, l’énergie responsable et l’émergence du citoyen positif et d’un Maroc plus performant.
Big bang et développement durable
L’appel de Sa Majesté le Roi Mohammed VI pour un nouveau modèle de développement survient lors de l’ouverture de la première cession parlementaire qui a fait échos à un discours historique. Le souverain y a sonné l’alarme sur l’état de la nation et chargé, sans égard, classe politique et administrations. Corruption, incompétence, irresponsabilité, non respect des engagements et des délais, inefficacité de l’INDH… S’en est suivi un séisme, qui annoncerait peut être le big bang que j’ai appelé de mes veux en 2011. Quarante trois généraux d’armée sont limogés, plusieurs ministres et hauts responsables remerciés.
Pour éviter l’essoufflement et gagner en compétitivité, le Maroc a donc besoin de compétences, de transparence et de rigueur pour diagnostiquer le présent et penser l’avenir en toute objectivité et en toute responsabilité. Il est urgent de reconsidérer son modèle, non en terme de PIB ou IDH, mais pour que le progrès social devienne le levier du progrès économique et non le contraire. Nous serons ainsi exactement dans l’esprit de la transformation et de l’Objectif de Développement Durable (ODD) d’ici 2030 adopté par l’Assemblé Générale des Nation Unis en septembre 2015.
Les MDM, raccourcis pour le développement durable
La réussite de ce nouveau défi, qui remplace les objectifs du millénaire, exige des ressources humaines qualifiées et adaptées aux besoins et priorités de l’économie nationale. Or le Maroc a négligé amplement la formation et le renouvellement de l’élite. Lors de la Conférence Internationale sur l’Afrique organisée à Lyon en février 2016, l’économiste Driss Guerraoui soutenait que les marocains du monde étaient « un véritable raccourcis pour le développement ». Gageons donc sur la diaspora qui regorge de ressources hautement qualifiées, tous domaines confondus, et qui reste toujours mal utilisées. Encore faut il savoir comment les mobiliser notamment dans les partenariats Europe/Maroc/Afrique.
Mais que penser aujourd’hui de la politique publique en direction de ces marocains d’ailleurs ? Pourquoi la stratégie de mobilisation des compétences MDM est elle en deçà des espérances? Pour quelles raisons les programmes d’incitation à l’investissement ne suscitent ils pas plus intérêt ? Qu’en est il de l’impact des programmes culturels en direction des nouvelles générations ? Quel encadrement pour luter contre la radicalisation au moment où le nom de nombreux marocains est cité dans les attentats de Bruxelles, Paris ou Barcelone ? A – t – on négligé l’émergence d’une diplomatie civile pour l’Afrique, la promotion du label Maroc et pour la défense de l’intégrité territoriale ?
Réajuster la politique publique
Pour éviter les effets d’annonce et le tout communication et afin de répondre aux attentes, nombreuses et légitimes, des marocains du monde, dont certaines restées sans réponses depuis trop longtemps, une évaluation des actions publiques en matière d’immigration s’impose. Parmi les priorités, il y a l’amélioration des services consulaires pour palier aux dysfonctionnements pointés, d’ailleurs sévèrement, lors du discours de Sa Majesté le Roi le 30 juillet 2015. Cependant, une nouvelle consultation et un nouveau diagnostic s’imposent en vue d’élaborer une nouvelle stratégie adaptée aux nouvelles réalités et espérances des MDM et de la nation. Le dernier diagnostic remonterait à 2007.
Et puis il y a l’urgence de l’aide juridique aux ressortissants spoliés ou abusés, le réajustement du programme d’accompagnement des associations, l’élaboration d’une stratégie de communication plus pertinente permettant la sensibilisation des MDM sur les grandes priorité de la patrie. Il est également nécessaire de redéfinir le mode de mobilisation des compétences pour rattraper le temps perdu, de réévaluer l’encadrement religieux et la promotion du vivre ensemble ainsi que la réorganisation et coordination entre la multitude d’intervenants en charge du dossier des marocains de l’étranger.
Pas de développement sans confiance mutuelle
Depuis février 2011, les réseaux sociaux aidant, les marocains du monde interagissent, de plus en plus, avec les mutations et les faits politiques et sociaux qui traversent le pays. Ils s’expriment ou prennent position, comme tout marocain, sur le mouvement du Rif, l’arrestation des manifestations d’Alhoceima, sur le retour du royaume à l’UA, sur les discours du souverains, le titre du Widad ou la qualification des lions au mondial, sur le séisme politique… Ils déplorent les lenteurs administratives, les freins à l’investissement et revendiquent des services consulaires à la hauteur de leurs aspirations. La société civile MDM déplore également la non mise en œuvre de la participation politique, pourtant clairement inscrite dans la constitution votée en 2011.
Afin de dépasser cette phase de défiance et de doute qui s’est installée depuis « le blocage», l’activation de ce droit pourrait réinstaller la confiance et rendre plus facile la sensibilisation et l’adhésion effective des millions de marocains du monde aux nouveaux défis de la nation derrière son chef suprême en Afrique et dans le monde.
Boubker Bendine TAOUFIK
Consultant média et diaspora