Pour défier Daesh, les Irakiens ont regardé le match du Real
Il y a deux semaines, des hommes ont tiré à l’arme automatique et lancé des grenades dans un café de la ville irakienne de Balad, à 80 kilomètres au nord de Bagdad.
Ils ont tué dix personnes, là où Ali et ses amis ont regardé samedi soir la finale de la Ligue des Champions.
En tee-shirt Ronaldo rose, il a regardé nerveusement les joueurs du Real Madrid sur l’un des écrans du café Al-Furat, assis sur un canapé troué de deux impacts de balles.
« Ce soir, c’est plus qu’un match de football pour nous », souffle cet Irakien âgé de 29 ans, « c’est un défi à Daesh », qui contrôle de larges pans de l’Irak et de la Syrie.
« Jusqu’à récemment, je suis certain que Ronaldo n’avait jamais entendu parler de Balad. Mais depuis, il a porté un brassard noir pour nos martyrs », ajoute-t-il devant une affiche de l’entraîneur du Real, Zinédine Zidane.
Daesh avait revendiqué l’attaque contre le café Al-Furat, nom en arabe de l’Euphrate, fleuve nourricier traversant l’Irak, mais les raisons précises de ce raid semblent se perdre quelque part dans le brouillard de la guerre.
Ce carnage dans ce café sportif a néanmoins suscité une vague de sympathie sur la planète foot, y compris au sein du Real Madrid dont les joueurs ont porté le lendemain un brassard noir pour le dernier match du championnat espagnol.
« La réaction du club nous a vraiment touchés », lance Qassem Issa, un commerçant de 39 ans qui a fondé il y a sept ans le club local des supporters du Real Madrid.
« Bien sûr, avant l’attentat, nous avions déjà planifié de regarder la finale de la Ligue des Champions ici. Et puis, il y a eu des hésitations, mais nous avons insisté pour passer la soirée ici, pour montrer notre force », dit-il.
Tout ça parce que nous aimons le foot?
Dans le vaste jardin du café Al-Furat, décoré de guirlandes d’ampoules colorées et d’affiches représentant les victimes, des responsables, des voisins, des poètes se succèdent pour leur rendre hommage.
Des dizaines de policiers armés de fusils d’assaut sont déployés autour du café et fouillent les jeunes hommes arrivant pour regarder la finale.
Les survivants du massacre du 13 mai sont restés chez eux, mais beaucoup de jeunes de Balad, qui ont perdu amis et frères, fondent en larmes pendant la cérémonie.
« J’ai été le premier à entrer dans le café après que des gens en sont sortis en courant, criant qu’une attaque était en cours », raconte Firas Hatef. « La première chose que j’ai vue quand je suis entré avec mon pistolet, c’était mon fils Sajad, 17 ans, étendu sur le ventre, mort ».
« Il avait une blessure par balle dans la tête et une autre dans le cou », dit-il. « J’ai aussi perdu un frère dans l’attentat. Tout ça parce que nous aimons regarder notre équipe jouer? »
Daesh et d’autres groupes jihadistes méprisent le football, qu’ils considèrent comme un produit de la société occidentale, et plusieurs stades et autres salles de sport ont été attaqués.
Un kamikaze s’est fait exploser le 26 mars lors d’une cérémonie de remise de trophées à l’issue d’un tournoi de foot local au sud de Bagdad, tuant plus de 30 personnes, dont beaucoup d’adolescents et d’enfants.
La prolongation, achevée sur le score de 1-1, puis l’épreuve des tirs au but ont prolongé la partie au-delà de minuit, heure à laquelle commence le couvre-feu nocturne imposé à Balad pour des raisons de sécurité.
Les supporters passionnés qui avaient pris le risque de rester jusqu’au bout se sont hâtés aussitôt après de rentrer chez eux.
(avec AFP)