Contre la relégation, pour la jeunesse… la culture!
Ahmed Ghayat, fondateur de l’association « Marocains Pluriels », était invité, aux côtés d’autres intervenants, à s’exprimer sur le thème de la « Culture et la Société », devant des élus à la Chambre des Conseillers à Rabat, il avait choisi de parler » Culture, exclusion, jeunesse ». Voici le substrat de son intervention.
Certes l’emploi reste la clé de l’insertion sociale, par excellence, pour autant il est tout aussi vrai que l’éducation et la culture sont ce qui fait l’Homme: l’Homme capable de s’épanouir, de vivre en société, de s’ouvrir à autrui, de comprendre et d’aimer l’Autre.
Une partie de notre jeunesse vit dans le sentiment et/ou la réalité de la marginalisation, la pauvreté exclut mais la misère culturelle – quant à elle – relègue aux marges de l’Humanité et transforme nombre de nos jeunes en « Zombies » proies toutes désignées pour les fabricants de chair à canon !
L’état des lieux en ce domaine dans notre Pays est, hélas, lamentable : tant et tant de nos jeunes – et de notre population – n’ont pas accès à la culture, des preuves ? – Nos Maisons de Jeunes sont dépassées, obsolètes, ringardes, annexées par des fonctionnaires qui en font leur domicile… comme hors-le-temps !
Et où des activités telles que les nouvelles technologies, la musique, le Street Art… sont du domaine de l’utopie. Les Espaces : des centres culturels, maisons de quartiers…ont été construits – grâce notamment à l’INDH – mais restent le plus souvent en manque de toute activité faute d’animateurs en phase avec les attentes des jeunes et parce que trop souvent hermétiques aux associations de jeunes…
Bien d’autres constats peuvent être faits, mais l’important n’est pas là, l’urgent est l’action ! La Culture est le plus sûr moyen pour favoriser l’ouverture, le vivre-ensemble, la fabrication de lien social, l’entente mutuelle, la connaissance d’autrui…
Elle est aussi et surtout, si l’on sait l’utiliser et la promouvoir, un formidable levier pour faire reculer l’exclusion : la culture, l’art, l’écriture, le théâtre , la musique – lorsque l’on parvient à les promouvoir dans les lieux de relégation, les régions enclavées, les quartiers défavorisés – montrent qu’alors le sentiment d’exclusion recule et fait place à la créativité, la motivation, une sorte de renaissance et l’émergence d’un esprit positif ! L’importance capitale de la culture est aussi prouvée par son «inverse».
En effet la culture est, toujours et de tout temps, la première victime de ceux qui prônent le repli (pseudo) identitaire, car brimer la culture, l’asservir, l’appauvrir lui enlève ce pouvoir qu’elle possède de « donner des ailes ». Dans notre Pays la culture n’est pas atone, les jeunes talents sont foison, les manifestations culturelles – et en particulier celles menées par les associations – pullulent dans chaque ville et réussissent, avec peu de moyens, a donner à la culture de proximité une réalité que les élus ignorent hélas…
La culture accompagne, fabrique, propulse la diversité qui fait notre richesse et donne à notre Nation le sang neuf qui inlassablement l’irrigue du plus petit douar à la plus grande des métropoles et la fait briller sur les scènes du monde entier: des artistes tels Noureddine Lakhmari, Hoba Hoba Spirit, Ahmed Soultan, Latefa Ahrrare, Oum, Amine Bendriouich, Kamal Hachkar, Driss Jaydane… et tant d’autres en sont les acteurs et les vecteurs !
Il est, dès lors, primordial que hommes et femmes de culture, artistes, acteurs culturels, créateurs de culture, agitateurs ou propagateurs de culture, intellectuels, écrivain(e)s, journalistes, acteurs sociaux et associatifs… s’unissent, pour la défendre si elle devait être attaquée, mais tout autant qu’ils s’investissent pour contribuer à la faire vivre, l’aider à parvenir dans les endroits d’exclusion, les espaces enclavés… l’enrichir de nouvelles expressions, de nouveaux talents.
La culture contre l’exclusion, la culture pour (re)donner l’envie de vie à des jeunes que la spirale de l’échec – voire la fascination de la mort – guettent au détour de nos quartiers d’exclusion… Qu’attendons nous ?