Maroc

Nizar Baraka : “L’eau joue un rôle central dans le développement des régions rurales”

Nizar Baraka
Ministre de l’Équipement et de l’Eau

Dans cet entretien, Nizar Baraka, ministre de l’Équipement et de l’Eau, fait le point sur les indicateurs hydrologiques et leur impact dans le milieu rural, mais aussi sur les priorités du ministère en matière de développement des infrastructures de dessalement de l’eau de mer, surtout pour les régions rurales et leur désenclavement.

Après les récentes précipitations, comment se portent les indicateurs hydrologiques au niveau national et leur impact dans le milieu rural ?
Les précipitations moyennes enregistrées durant la période du 1er septembre 2024 au 8 avril 2025, pour l’ensemble du Royaume, ont varié de 5 mm à 379 mm avec un maximum ponctuel cumulé de 955 mm enregistré au niveau du poste Jbel Oudka dans le bassin du Sebou. Le volume global des apports d’eau au niveau de l’ensemble des grands barrages du Royaume, au cours de la période allant du 1er septembre 2024 au 8 avril 2025, est évalué à 3,485 milliards m³.

Comparés à la normale et à l’année précédente, ces apports sont déficitaires de 59% par rapport à l’apport moyen pendant la même période et excédentaires de 41% par rapport à l’année dernière. Les précipitations pendant cette période ont permis de générer des apports d’eau importants au niveau des barrages. Le volume global des apports d’eau enregistrés au niveau de l’ensemble des grands barrages du Royaume, au cours de la période allant du 1er février au 8 avril 2025, s’élève à 2,216 milliards m³.

Le taux de remplissage des retenues de barrages du Royaume a connu une amélioration notable, passant de 28% le 6 mars 2025 à 38,36% le 8 avril 2025, soit un stock total de 6,43 milliards m³. Grâce aux apports en eau enregistrés dans les barrages à l’échelle nationale, les horizons de saturation de plusieurs systèmes hydrauliques ont été prolongés, assurant un approvisionnement en eau stable des villes et des centres ruraux liés au moins jusqu’à la prochaine période pluvieuse.

L’eau est au cœur du développement des régions rurales. Quelles mesures concrètes sont prises pour assurer une gestion intégrée des ressources en eau en prenant en compte les besoins de l’agriculture, des autres secteurs d’activité et des populations rurales ?
L’eau joue un rôle central dans le développement des régions rurales, notamment pour l’agriculture, mais aussi pour l’approvisionnement en eau potable et le soutien aux activités économiques locales. Pour assurer une gestion intégrée des ressources en eau tenant compte des besoins de l’agriculture, des autres secteurs d’activité et des populations rurales, plusieurs mesures concrètes sont mises en place. Parmi elles, la construction et la modernisation des infrastructures hydrauliques.

En effet, le Programme national pour l’approvisionnement en eau potable et d’irrigation 2020-2027 (PNAEPI 20-27) prévoit la construction de nouveaux barrages (21 grands barrages, 5 moyens barrages et 129 petits barrages) et l’optimisation des retenues existantes pour assurer un stockage efficace et une distribution équilibrée de l’eau entre les usages agricoles, domestiques et industriels. Il s’agit aussi du développement de l’interconnexion des bassins hydrauliques.

Le Maroc a lancé, suite aux Hautes Instructions Royales, des projets d’interconnexion des systèmes hydrauliques, comme le transfert d’eau du bassin du Sebou vers le bassin du Bouregreg au barrage Sidi Mohamed Ben Abdellah pour répondre aux besoins en eau potable des populations de Rabat à Casablanca et garantir une répartition plus équilibrée de la ressource en eau. A cela s’ajoute la gestion intégrée des eaux des retenues des barrages de l’amont vers l’aval des bassins : la gestion intégrée des barrages Bin El Ouidane, Ahmed El Hansali et Al Massira, a permis la satisfaction des besoins en eau potable des villes de Casablanca, Settat, Berrechid et des centres avoisinants.

Cette gestion intégrée des ressources en eau de surface mobilisées a concerné aussi les barrages Hassan 1er, Moulay Youssef, le complexe Yaacoub El Mansour et Lalla Takerkoust, ce qui a permis la garantie de l’eau potable du Grand Marrakech. Il a été question aussi de la promotion de l’irrigation efficiente et des économies d’eau agricole : des programmes comme le Plan Maroc Vert et sa continuité avec la Stratégie Génération Green encouragent la modernisation de l’irrigation en favorisant des techniques économes en eau telles que l’irrigation goutte-à-goutte.

Qu’en est-il des ressources en eau non conventionnelles ?
Pour le développement des ressources en eau non conventionnelles et le recours aux eaux usées épurées pour l’irrigation des espaces verts et les golfs, le but est d’atteindre un volume d’eau usée réutilisée de 100 Mm3/an en 2027 (REUSE) et la programmation de la réalisation des unités de dessalement en vue d’atteindre une capacité de production de 1,7 milliard de m3 en 2030.

Ces actions permettront de diversifier les sources d’approvisionnement en eau et d’alléger la pression sur les ressources conventionnelles pour les zones côtières instaurant ainsi une solidarité des zones aval avec les zones amont des bassins pour satisfaire leurs besoins en eau potable et d’irrigation par les ressources en eau conventionnelles.

Pour ce qui est du renforcement de l’accès à l’eau potable en milieu rural, des efforts sont déployés pour améliorer la desserte en eau potable des populations rurales via des adductions d’eau et des bornes fontaines. S’agissant de la protection et la gestion durable des nappes phréatiques, face à la surexploitation des eaux souterraines, des contrats de nappe sont mis en place, imposant des utilisations rationnelles des eaux souterraines et envisageant la réalisation des projets de recharge artificielle des aquifères.

Par ailleurs, pour le renforcement de la gouvernance et de la planification intégrée, le projet du Plan national de l’eau (PNE) vise à structurer la gestion de la ressource en prenant en compte l’ensemble des usages et des acteurs. Ce plan est en cours de finalisation pour tenir compte des Orientations Royales, visant à assurer 100% de desserte en eau potable et 80% de la demande en eau agricole. Outre le PNE, on travaille aussi sur la sensibilisation et l’accompagnement des acteurs locaux. Des campagnes de sensibilisation sont menées pour encourager une meilleure gestion de l’eau, notamment à travers des dispositifs d’incitation financière pour l’adoption de technologies économes en eau.

Ces mesures s’inscrivent dans une démarche proactive et une approche intégrée pour renforcer la résilience des zones et villes déficitaires face aux défis de la rareté de l’eau tout en assurant un développement socio-économique équilibré.

Parallèlement au développement permanent des infrastructures hydriques au Maroc, comment évolue le programme d’accès à l’eau potable en milieu rural, et quid de la question de désenclavement de ces zones ?
Le programme d’accès groupé à l’eau potable des populations rurales au Maroc (PAGER) a connu des avancées significatives, soutenues par une série de projets d’infrastructures. Le taux d’accès à l’eau potable en milieu rural est passé de 14% en 1995 à 98,8% actuellement.

En parallèle du PAGER, sur Hautes Orientations Royales, le Programme national de l’approvisionnement en eau potable et l’irrigation (PNAEPI 20-27), lancé pour accélérer les investissements dans le secteur de l’eau et pour renforcer l’approvisionnement en eau potable et l’irrigation économe en eau, comporte un axe important dédié à l’AEP du milieu rural. Cet axe, avec une enveloppe budgétaire d’environ 27 milliards de dirhams, vise le renforcement et la sécurisation de l’accès à l’eau potable en milieu rural, à travers des projets structurants d’eau potable, la réalisation de points d’eau aménagés autonomes, l’installation de stations monoblocs de dessalement de l’eau de mer et de déminéralisation des eaux saumâtres ainsi que l’acquisition de camions citernes pour le transport de l’eau potable.

Concernant le point du désenclavement des zones rurales, qui est un enjeu majeur, des milliers de kilomètres de routes ont été construits ou réhabilités dans le cadre de différents programmes nationaux de désenclavement pour connecter ces régions aux centres urbains et faciliter l’acheminement des ressources, y compris l’eau potable. En conclusion, l’accès à l’eau potable et le désenclavement des zones rurales sont des priorités stratégiques pour le gouvernement, visant à améliorer la qualité de vie des habitants tout en assurant
une gestion durable des ressources en eau.

Aujourd’hui, est ce que les besoins d’irrigation ont été assurés suite aux dernières précipitations ?
Les récentes précipitations auront un impact significatif sur la production agricole, aussi bien dans les zones bour que dans les périmètres irrigués de la grande agriculture et de la petite et moyenne hydraulique.

Grâce à l’infiltration des eaux de pluie, la réserve utile des sols agricoles a été reconstituée, notamment au niveau de la zone racinaire, ce qui permettra de réduire les besoins en irrigation des cultures et d’atténuer la pression sur les nappes phréatiques et les barrages. L’effet bénéfique de ces précipitations sera particulièrement marqué dans les sols argileux, qui possèdent une forte capacité de rétention de l’humidité pouvant aller jusqu’à deux mois.

Par exemple, dans le périmètre du Gharb, ces apports en eau permettront d’économiser les tours d’irrigation prévus en mars et avril, voire jusqu’en juin pour les grandes cultures, réduisant ainsi la consommation d’eau et optimisant la gestion des ressources hydriques. Ces précipitations favorisent non seulement une meilleure résilience des cultures face au stress hydrique, mais aussi une amélioration des rendements agricoles, contribuant ainsi à la sécurité alimentaire et à la durabilité des systèmes de production.

Quelles sont les priorités actuelles de votre département en matière de développement des infrastructures de dessalement de l’eau de mer surtout pour les régions rurales ?
La mise en place des projets de dessalement de l’eau de mer repose sur une planification rigoureuse et minutieuse des ressources en eau, qui tient compte des défis hydriques propres à chaque région, des effets du changement climatique et des besoins croissants en eau potable, en irrigation et en usage industriel. Une évaluation détaillée des ressources en eau, généralement menée à l’échelle du bassin versant, permet d’identifier les déficits hydriques selon les régions et les horizons temporels.

Cette approche favorise une gestion intégrée et anticipative, qui s’appuie sur les horizons de saturation des ressources conventionnelles, afin de garantir un approvisionnement durable et prévenir la surexploitation des eaux souterraines. C’est à partir de cette analyse et dans le cadre d’une gestion optimisée des ressources en eau que la décision de réaliser une station de dessalement émerge comme une réponse adaptée, visant à combler le déficit en eau et à renforcer la résilience hydrique des zones concernées.

Dans cette perspective, le ministère de l’Équipement et de l’Eau, en collaboration avec ses partenaires, a mis en place un programme ambitieux de dessalement. Ce programme prévoit, en complément des 16 stations existantes et des 5 actuellement en construction, la réalisation de 13 nouveaux projets répartis sur différentes régions du Royaume, dont la mise en service est planifiée entre 2028 et 2030.

Ces projets devraient porter la capacité de production d’eau dessalée à plus de 1,7 milliard de mètres cubes par an d’ici 2030. Cette montée en capacité permettra de sécuriser 50% des besoins nationaux en eau potable (AEP), de renforcer l’irrigation grâce à l’utilisation d’eau dessalée et de réaffecter les dotations d’eau conventionnelle initialement destinées à l’AEP vers l’agriculture et/ou l’eau potable des zones rurales et des villes intérieures déficitaires.

Il s’agit ainsi d’un véritable élan de solidarité de l’urbain vers le rural. Cet objectif ambitieux inclut également les efforts de l’Office Chérifien des Phosphates dans le domaine du dessalement, notamment avec un plan d’urgence pour la production d’eau potable par dessalement de l’eau de mer destiné aux zones de Safi, El-Jadida et Marrakech.

Par ailleurs, des efforts sont actuellement déployés par le ministère de l’Intérieur, en partenariat avec notre ministère et les parties prenantes, pour l’installation de stations monoblocs de dessalement de l’eau de mer et de déminéralisation à travers le territoire national notamment les zones rurales les plus vulnérables.

Grâce à cette initiative, 41 stations mobiles de dessalement et de déminéralisation, d’une capacité totale de 305 l/s, ainsi que 203 autres stations d’une capacité globale de 1.263 l/s, ont été acquises dans le cadre du programme des stations monoblocs, respectivement des années 2022-2023 et 2024-2025. La majorité de ces stations est déjà opérationnelle, tandis que les autres seront mises en service au cours de cette année.

Yassine Saber / Les Inspirations ÉCO


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