Mohamed Bouarourou : “Priorités et stratégies du président du Conseil régional”
Mohamed Bouarourou
Président du Conseil de la région de l’Oriental
Malgré un potentiel indéniable, la région de l’Oriental fait face à des défis socio-économiques importants. Dans cet entretien, Mohamed Bouarourou, président du Conseil de la région, dévoile sa vision et ses priorités pour transformer ces défis en opportunités. De la valorisation des atouts géographiques et des ressources humaines à l’investissement dans des secteurs porteurs comme les énergies renouvelables et le numérique, en passant par une gouvernance participative impliquant la société civile.
Comment décririez-vous la situation économique et sociale de la région de l’Oriental par rapport au reste du Maroc, en vous appuyant sur des indicateurs clés et quels sont les défis majeurs ainsi que le potentiel de développement ?
La région de l’Oriental, riche d’un potentiel important, est engagée dans une dynamique de développement pour améliorer sa situation économique et sociale. Même si elle se situe en deçà de certaines régions du Maroc, des indicateurs clés montrent des opportunités de croissance et de progrès. Entre 2014 et 2024, la région a connu une évolution démographique qui, bien que différente de la décennie précédente, a mis en lumière la nécessité de renforcer son attractivité, notamment auprès des jeunes.
La région s’attèle à comprendre et inverser les tendances migratoires, en particulier dans les zones rurales touchées par la sécheresse. Sur le plan économique, après avoir enregistré une croissance de 8% en 2021, elle a connu un ralentissement en 2022 avec un taux de 0,3%.
Ceci met en évidence la nécessité de diversifier l’économie régionale et de la rendre plus résiliente. Le taux d’emploi, qui s’établit à 21,4% au troisième trimestre 2024, légèrement en dessous de celui des régions du Sud, souligne l’importance de stimuler la création d’emplois, notamment pour les jeunes diplômés. L’amélioration de l’accès aux services de base, particulièrement dans les zones rurales, est également un axe de travail pour réduire les disparités territoriales et améliorer la qualité de vie de tous les habitants.
La région est déterminée à exploiter pleinement ses atouts, tels que sa position géographique et ses ressources naturelles, en s’appuyant sur l’engagement des acteurs locaux. Une vision stratégique et des politiques adaptées, axées sur l’amélioration des infrastructures, le soutien aux investissements et la réduction des inégalités, permettront à l’Oriental d’accélérer son développement et de créer un avenir prometteur pour ses habitants.
Quels sont, selon vous, les principaux atouts de la région de l’Oriental à même de favoriser son développement économique ?
L’Oriental possède des atouts importants pour son essor économique. Sa position géographique est stratégique, avec un littoral de 200 km, des montagnes, un désert et des gisements miniers, favorisant le tourisme, l’agriculture, l’industrie et l’énergie solaire grâce à un fort ensoleillement. Des projets structurants comme le port Nador West-Med, trois aéroports et un bon réseau routier renforcent sa connectivité et son attractivité.
La région dispose également d’une infrastructure éducative et sanitaire solide, avec l’Université Mohammed Premier et le CHU d’Oujda, formant une main-d’œuvre qualifiée et garantissant un accès aux soins de qualité. Des incitations à l’investissement, comme la Nouvelle charte de l’investissement et divers programmes de soutien (Ichrak, Chark Moubadara, le Fonds de Jerada, etc.), stimulent l’entrepreneuriat.
Enfin, une main-d’œuvre jeune et qualifiée est prête à s’engager dans des secteurs porteurs comme les TIC, le numérique, les énergies renouvelables et les industries culturelles et créatives. Ces atouts, combinés à une volonté régionale forte, peuvent transformer les défis actuels en opportunités durables.
Quelles priorités avez-vous définies pour capitaliser sur ces atouts ?
Nos priorités visent un développement inclusif et durable. Elles incluent la mise en œuvre de projets structurants comme le port Nador West-Med et l’amélioration des infrastructures. Nous soutenons l’entrepreneuriat local, notamment dans l’agriculture moderne, la valorisation des ressources minières et le tourisme écologique, tout en préservant la biodiversité et le patrimoine.
L’amélioration du climat des affaires est essentielle, avec une stratégie de marketing territorial, en collaboration avec la wilaya et le Centre régional d’investissement, pour attirer les investisseurs. Nous encourageons la création de pôles de compétitivité dans des secteurs clés comme l’agro-industrie, les énergies renouvelables et les TIC.
Le soutien à l’innovation, en particulier dans les économies verte, bleue et orange, le numérique et l’énergie durable, est crucial pour diversifier l’économie. Enfin, nous investissons dans la formation pour valoriser les compétences locales. Ces actions doivent faire de l’Oriental un modèle de développement économique et social, respectueux de son identité.
Les disparités territoriales sont un enjeu majeur dans la région. Quelles mesures comptez-vous mettre en œuvre pour réduire ces inégalités entre les différentes provinces et communes ?
La réduction des disparités territoriales est une priorité pour le Conseil de la région de l’Oriental. Notre vaste territoire, majoritairement rural (70% des 90.000 km²), souffre de dénuement, d’enclavement et de sécheresse. Nous priorisons donc le développement des zones rurales pour une dynamique socio-économique plus équilibrée. Nous améliorons l’accès aux services de base (éducation, santé, eau potable) en construisant des écoles et des établissements de santé et en favorisant la scolarisation, notamment des filles.
Le désenclavement par le développement du réseau routier est prioritaire, ainsi que l’accès à l’électricité et à l’eau potable pour tous. Nous soutenons l’économie sociale et solidaire (coopératives agricoles, produits du terroir, artisanat) pour autonomiser économiquement les femmes et les jeunes ruraux. Enfin, une approche participative, impliquant populations locales et acteurs territoriaux, garantit l’adhésion aux projets et une utilisation efficace des ressources. Notre objectif est de faire des zones rurales des moteurs de développement tout en préservant leur identité et en améliorant durablement les conditions de vie.
Face aux enjeux environnementaux, notamment le stress hydrique, quelles initiatives envisagez-vous pour garantir une gestion durable des ressources en eau dans la région ?
La gestion durable de l’eau est une priorité absolue pour le Conseil de la région de l’Oriental, face au stress hydrique important. Nous adoptons une approche de Gestion intégrée des ressources en eau (GIRE) pour un usage équilibré entre agriculture, industrie et population. Nous investissons dans des technologies de pointe en vue d’améliorer la qualité de l’eau, de traiter les eaux usées et de réduire la pollution.
Le recyclage des eaux usées pour l’agriculture et l’industrie est une autre mesure clé pour réduire la consommation d’eau potable. Nous protégeons les écosystèmes aquatiques et les sources d’eau, comme les nappes phréatiques, pour garantir un approvisionnement durable. La sensibilisation à une utilisation responsable de cette ressource vitale est prioritaire, notamment en encourageant l’irrigation goutte-à-goutte et les cultures moins gourmandes en eau.
Enfin, nous élaborons des plans d’action résilients pour assurer un accès équitable à l’eau tout en préservant les écosystèmes. Ces initiatives visent une gestion responsable et durable de l’eau, essentielle au développement de l’Oriental et à la préparation au changement climatique.
Quelles actions concrètes mènerez-vous pour stimuler l’économie et créer des emplois, surtout pour les jeunes ?
Le Conseil de la région de l’Oriental s’engage activement à stimuler le développement économique régional tout en plaçant la création d’emplois, en particulier pour les jeunes, au centre de ses priorités. Pour atteindre cet objectif, nous mettons en œuvre une série d’actions stratégiques reposant sur des secteurs innovants et à fort potentiel économique, tout en poursuivant nos efforts dans des domaines complémentaires.
Actuellement, la région table sur le développement de secteurs porteurs et créateurs d’emplois, tels que le numérique, l’intelligence artificielle, les énergies renouvelables, les économie circulaire et bleue, les Industries culturelles et créatives (ICC), le tourisme, l’agrobusiness, le transport, la logistique et les services.
Ces secteurs s’appuient sur les atouts naturels et le capital humain de la région. Nous développons aussi l’économie sociale et solidaire pour les populations rurales, en soutenant les coopératives et la valorisation des produits locaux. L’amélioration du climat des affaires et les incitations attirent les investisseurs, tandis que le développement des infrastructures (zones industrielles, plateformes logistiques, port Nador West-Med) renforce l’attractivité.
La formation est cruciale : en partenariat avec des institutions comme l’Université Mohammed Premier, nous adaptons les compétences des jeunes aux besoins des secteurs émergents, avec un accent sur l’entrepreneuriat (accompagnement, financement, incubation). Ces actions visent à faire de l’Oriental un pôle d’innovation, compétitif et créateur d’emplois durables, profitant à tous et en particulier aux jeunes.
Comment impliquerez-vous les acteurs locaux et la société civile dans le développement régional pour une approche participative et inclusive ?
L’implication des acteurs locaux et de la société civile est essentielle pour un développement régional réussi. Conformément à la loi organique 111-14, nous avons mis en place des instances de concertation pour intégrer leurs besoins et propositions dans nos politiques. Notre adhésion à l’OGP (Partenariat pour un gouvernement ouvert) local renforce ce dialogue et permet la co-construction de solutions locales.
Lors de l’élaboration du Programme de développement régional (PDR), des ateliers participatifs garantissent que les projets répondent aux priorités locales et bénéficient à tous. Nous soutenons le renforcement des capacités des associations locales par des formations en gestion de projets, financement et gouvernance, pour les rendre plus autonomes. Ces actions visent à créer une dynamique collective pour un développement efficace, harmonieux et équitable, en phase avec les aspirations des habitants.
Mehdi Idrissi / Les Inspirations ÉCO