Stratégie finance climat à l’horizon 2030 : les principales réformes réglementaires envisagées
Banques et assurances font toujours la sourde oreille face à l’urgence climatique. Les autorités marocaines comptent leur faire entendre raison, d’une manière ou d’une autre. Voici comment !
Divulgation des risques climat, taxonomie verte, obligations renforcées… le secteur financier marocain fera l’objet d’un vaste plan de réformes réglementaires d’ici 2030. C’est ce que révèle le rapport sur la Stratégie de développement de la finance climat au Maroc à l’horizon 2030. La lutte contre le changement climatique est désormais une priorité nationale dans le Royaume, inscrite dans de nombreuses stratégies sectorielles.
Pour atteindre les ambitieux objectifs fixés en matière d’atténuation et d’adaptation, le gouvernement mise sur une mobilisation sans précédent des financements privés, qui devront représenter 50% des ressources nécessaires d’ici 2030.
«La Stratégie de développement de la finance climat vise à accélérer la mobilisation de financements privés pour les projets climatiques et à combler les déficits de financement», indique le rapport.
Un défi de taille qui nécessitera des réformes réglementaires d’envergure pour inciter les acteurs financiers à embrasser pleinement la transition verte.
Renforcer la gestion des risques climatiques
Alors que les impacts du dérèglement climatique s’intensifient, le secteur financier national est appelé à renforcer substantiellement sa gestion des risques climatiques.
«Pour les régulateurs, il s’agit d’élaborer des règles pour mesurer et réduire la transmission des risques dans l’ensemble du secteur», précise le document.
Quant aux institutions financières, elles devront déployer «des cadres cohérents de gestion des risques climatiques». Concrètement, de nouvelles «exigences de divulgation et de transparence» sur leur niveau d’exposition à ces risques seront imposées aux banques, assureurs et autres acteurs financiers. La réalisation de «stress tests climatiques» est également prévue pour évaluer leur résilience face aux chocs futurs. Soulignons que ces mesures réglementaires sont indispensables pour garantir la stabilité du système financier du pays dans un monde aux prises avec des catastrophes climatiques de plus en plus fréquentes. Les nouvelles exigences de divulgation et de transparence sur l’exposition aux risques climatiques sont cruciales pour plusieurs raisons.
Obliger les institutions financières à divulguer leurs expositions aux risques liés au climat les incite à mieux évaluer, gérer et atténuer ces risques. Que ce soit les risques physiques directs (catastrophes naturelles) ou les risques de transition (réglementations, changements technologiques), une meilleure compréhension permettra d’accroître leur résilience.
La transparence sur ce type de risques aidera les investisseurs et autres parties prenantes à prendre de meilleures décisions d’investissement en ayant une image plus juste des risques et opportunités. Le capital pourra ainsi être orienté plus efficacement. Si les expositions climatiques ne sont pas correctement évaluées et gérées, cela pourrait entraîner des chocs en cascade dans le système financier. Une plus grande transparence permet d’identifier et d’atténuer ces risques systémiques à temps. De nombreux pays se sont engagés à atteindre la neutralité carbone.
Exiger cette transparence des acteurs financiers est cohérent avec ces objectifs et les incitera à aligner l’allocation de capital en conséquence. Les stress tests climatiques obligatoires permettront également d’évaluer concrètement la résilience des institutions face à divers scénarios de chocs climatiques futurs. C’est donc un outil d’analyse des risques qui est indispensable.
Taxonomie verte et reporting
Autre chantier d’envergure, l’accélération du déploiement d’une taxonomie définissant les activités économiques considérées comme «vertes» est jugée prioritaire.
«Cette taxonomie permettra aux investisseurs, porteurs de projets et pouvoirs publics de disposer d’une définition commune, un cadre indispensable au financement de la transition», souligne un spécialiste de la finance durable.
De nouvelles obligations en matière de reporting sur les flux financiers climatiques sont également prévues.
«La production, le partage et le suivi de données financières fiables et actualisées constituent un chantier prioritaire», insiste le rapport gouvernemental.
Réduire les risques pour les investisseurs
Du côté de la demande, les pouvoirs publics prévoient de mettre en place «des mécanismes de partage des risques innovants» afin de rendre certains projets verts plus bancables pour le secteur privé. Le financement mixte public-privé et les partenariats public-privé sont particulièrement mis en avant pour «améliorer le profil de risque» d’initiatives peu rentables ou émergentes.
Il s’agit de rendre ces projets plus attractifs pour les investisseurs privés grâce à un meilleur partage des risques. Le but est également d’«accroître les investissements climat internationaux» en rendant le Maroc plus compétitif.
Incitations réglementaires
Le gouvernement envisage d’encourager par des «incitations et mesures réglementaires» le recours par les acteurs financiers à des «instruments favorisant la lutte contre le changement climatique». Des labels verts, des mesures administratives simplifiées ou encore de nouvelles obligations en matière de gouvernance sont à l’étude.
Ces réformes réglementaires sont cruciales pour accélérer l’adoption par le secteur privé d’instruments de financement climatique innovants comme les obligations vertes ou le financement participatif vert. Cependant, les défis à relever sont immenses.
Au-delà des aspects techniques de taxonomie ou de reporting, un changement profond de culture au sein des institutions financières sera nécessaire. Le succès des objectifs climatiques nationaux dépendra de la capacité du secteur financier à véritablement intégrer les enjeux environnementaux dans sa gouvernance et ses processus décisionnels.
Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO