Economie

Énergies renouvelables en Afrique du Nord : des priorités contrastées pour le développement des compétences

Du Maroc à la Libye en passant par la Tunisie, l’Égypte et l’Algérie, les pays d’Afrique du Nord doivent relever des défis contrastés en termes de développement des compétences pour les filières des énergies vertes. Détails. 

Universités, centres de formation, entreprises… Aucun de ces acteurs ne pourra échapper à la nécessité de développer des compétences dans les énergies renouvelables. En effet, développer l’offre de formation aux métiers de ce secteur représente un défi de taille pour permettre aux pays d’Afrique du Nord de concrétiser leurs ambitions en matière de transition énergétique.

Selon le récent rapport de l’OCDE sur les dynamiques du développement en Afrique, les pays d’Afrique du Nord se distinguent par des priorités différentes en matière de développement des compétences dans le secteur des énergies renouvelables. Un clivage apparaît entre les pays importateurs nets d’énergie (Maroc, Égypte, Tunisie) et les pays exportateurs nets (Algérie, Libye).

Le rapport classe ces pays en deux groupes distincts, en se basant sur leur statut d’importateur ou d’exportateur d’énergie. «Les pays importateurs ont une forte incitation économique à développer les énergies renouvelables pour réduire leur dépendance aux importations d’hydrocarbures. À l’inverse, les pays exportateurs comme l’Algérie et la Libye ont initialement une faible incitation, leur économie étant largement tributaire des revenus des exportations d’énergie fossile.»

Les uns renforcent l’expertise nationale en énergies renouvelables pour atteindre les objectifs climatiques
Pour les pays importateurs, la priorité est de «développer une expertise en énergies renouvelables conformément à leurs objectifs nationaux publiés dans les contributions déterminées au niveau national (CDN)» dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat. Cela implique de former des spécialistes capables de concevoir, déployer et exploiter les infrastructures solaires, éoliennes, ou hydrauliques, et répondant aux ambitions fixées.

En effet, pour les pays importateurs d’énergie, il est plus qu’important de développer une expertise locale dans le domaine des énergies renouvelables afin de répondre aux engagements pris dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat. Cet accord historique, ratifié par la grande majorité des nations, vise à limiter le réchauffement climatique en réduisant les émissions de gaz à effet de serre.

Pour y parvenir, chaque pays s’est fixé des objectifs nationaux, appelés «Contributions déterminées au niveau national» (CDN), en matière de transition énergétique et de développement durable.

Pour les pays fortement dépendants des importations d’énergies fossiles, l’atteinte de ces objectifs passe nécessairement par le renforcement de leurs capacités nationales dans le domaine des énergies renouvelables telles que l’énergie solaire, éolienne et hydraulique. Cela implique de former une main-d’œuvre hautement qualifiée, capable de concevoir, déployer et exploiter ces infrastructures de production d’énergie propre et durable.

Il faut dire que le développement d’une expertise locale dans ce secteur présente de multiples avantages. Tout d’abord, il permet de réduire la dépendance aux importations d’énergies fossiles et d’accroître la sécurité énergétique du pays. Ensuite, il contribue à la création d’emplois verts et à la stimulation de l’économie locale. Enfin, il favorise le transfert de technologies et le renforcement des capacités techniques et industrielles nationales.

Les autres assurent le transfert des connaissances vers les filières des énergies propres
Si le défi principal pour les pays importateurs d’énergie est de développer une expertise locale dans les énergies renouvelables, les pays exportateurs de ressources fossiles, quant à eux, disposent déjà d’un important vivier de compétences dans le secteur énergétique traditionnel.

L’enjeu pour ces nations est de valoriser et de transférer ces connaissances vers les filières des énergies propres et durables. De nombreuses compétences acquises dans l’industrie pétrolière et gazière sont en effet transférables vers le domaine des énergies renouvelables. On peut citer, par exemple, le génie des procédés, l’exploitation et la maintenance d’installations industrielles de grande envergure, ou encore la gestion de projets complexes. Ces savoir-faire techniques et opérationnels constituent un atout précieux pour le déploiement d’infrastructures solaires, éoliennes ou hydrauliques de pointe.

Cependant, au-delà de cette adaptation des compétences existantes, les pays exportateurs d’hydrocarbures doivent également se préparer à relever de nouveaux défis liés à la transition énergétique. L’un des principaux enjeux concerne le développement de l’expertise nécessaire à la mise en place de mini-réseaux décentralisés d’énergie renouvelable. Ces systèmes autonomes, complémentaires aux réseaux nationaux encore dépendants des combustibles fossiles, nécessitent des profils combinant des compétences techniques pointues en électricité, automatismes et gestion de l’énergie, avec une solide maîtrise de la gestion de projets territoriaux.

Harmoniser l’offre de formation
Sur le plan de l’offre de formation, d’importants écarts subsistent entre pays. Alors que le Maroc, l’Algérie et la Tunisie proposent des diplômes du niveau Licence ou Doctorat, l’offre de formation professionnelle reste limitée, relève le rapport de l’OCDE.

A l’inverse, l’Égypte a développé une filière de formation technique et professionnelle aux énergies renouvelables, mais peine à déployer l’enseignement universitaire. Ces écarts reflètent les différences de maturité des stratégies énergétiques nationales et des degrés d’avancement distincts sur la voie de la transition écologique. Les pays pionniers, à l’instar du Maroc et de l’Égypte, ont ainsi pu travailler sur un développement plus équilibré des compétences, tandis que d’autres nations comme la Libye n’en sont qu’aux prémices.

Afin d’accélérer la transition vers les énergies renouvelables dans l’ensemble de la région, il apparaît donc essentiel d’œuvrer à une harmonisation de l’offre de formation, en s’appuyant sur les bonnes pratiques des pays les plus avancés. Cela passe notamment par le renforcement des cursus universitaires spécialisés dans les énergies propres et durables, mais également par le développement de filières de formation technique et professionnelle adaptées aux besoins opérationnels des entreprises du secteur.

Encourager le développement des compétences opérationnelles

Au-delà de l’offre de formation initiale, un enjeu majeur réside dans la capacité des entreprises, en particulier les PME et startups aux ressources limitées, à accéder à un vivier de compétences en adéquation avec leurs besoins opérationnels spécifiques dans le domaine des énergies renouvelables.

Le rapport de l’OCDE évoque plusieurs pistes intéressantes pour relever ce défi. Tout d’abord, le développement de formations continues multipartites, associant les secteurs public et privé, permettrait de proposer des programmes de perfectionnement adaptés aux réalités du terrain. L’adoption de démarches d’amélioration continue des processus et des compétences, telles que le Kaizen, constitue une autre piste prometteuse pour renforcer les savoir-faire opérationnels au sein des entreprises.

Enfin, le recours ponctuel à l’expatriation temporaire de talents internationaux peut s’avérer une solution pertinente pour combler des lacunes ponctuelles en termes de compétences spécifiques, en attendant de former des ressources locales.

Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO


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