La cérémonie d’investiture de trois nouveaux membres résidents et associés de l’Académie du Royaume du Maroc s’est déroulée, vendredi à Rabat, dans le cadre de la nouvelle réorganisation de cette institution.
La séance solennelle d’accueil et d’investiture, présidée par le secrétaire perpétuel de l’Académie du Royaume du Maroc, Abdeljalil Lahjomri, a été marquée par la décoration des nouveaux membres, Mme Susan Gilson Miller (associée), M. Souleymane Bachir Diagne (associé) et Mme Asma Lamrabet (résidente), de l’insigne officiel de l’Académie, ainsi que par des discours de présentation des nouveaux membres et des exposés sur des questions qui relèvent de leurs domaines d’intérêt.
A cet égard, le membre associé Mohammed Kenbib a prononcé un discours de bienvenue à Mme Miller, au cours duquel il a mis en avant les contributions académiques de l’universitaire américaine, qui s’intéresse à l’histoire du Maroc et du Moyen-Orient, notamment lors de la période qui a suivi la Seconde guerre mondiale.
Mme Miller a évoqué, dans son exposé intitulé « Remembering Nelly Benatar, justice and humain rights in Morocco at the end empire », l’extension des troubles politiques et économiques européens au Maroc après la Seconde guerre mondiale (1945-1948) et leurs répercussions sur les relations entre Musulmans, Juifs et Marocains.
Elle s’est intéressée en particulier au cas de « Nelly Benatar », qu’elle a considérée comme « la première avocate marocaine et l’un des témoins de la protection des Juifs marocains contre la persécution du régime de Vichy ».
Mme Miller est professeur émérite au département d’histoire de l’université de Californie et a été directrice du programme d’études marocaines à l’université d’Harvard entre 1990 et 2008. Elle a également été directrice exécutive du centre des politiques sociales au Moyen-Orient à l’Université Brandeis-Massachusetts (1985-1986).
La chercheuse américaine a enrichi la bibliothèque marocaine par de nombreux ouvrages dont les plus importants sont « L’histoire du Maroc moderne (1830-2000) », « Les berbères et autres… Au-delà de la tribu et de la nation au Maroc » et « Architecture et mémoire des minorités dans la ville musulmane de la méditerranée ».
De son côté, Ali Benmakhlouf, membre de l’Académie, a énuméré les qualités et les contributions de l’universitaire sénégalais Souleymane Bachir Diagne, également membre des académies de Belgique, des Etats-Unis et du Sénégal, passant en revue le parcours académique du nouveau membre et les livres qu’il a publiés dans les domaines de la traduction et de la pensée philosophique religieuse.
M. Diagne a présenté, à cette occasion, un exposé intitulé: « Notre but : L’humanité », relevant que le thème de l’humanité se trouve au cœur de son travail actuel qui consiste à réfléchir sur « une humanité qui inclut tout le monde » et assure « la coexistence entre les peuples du monde entier ».
L’universitaire sénégalais a étudié dans ce sens le concept des valeurs universelles chez un groupe de philosophes dont il partage la démarche, notamment son compatriote Léopold Sédar Senghor.
M. Diagne enseigne aux départements d’études francophones et de philosophie de l’université Columbia à New York, où il dirige également l’institut d’études africaines. Il a publié plusieurs recherches et études en français, notamment « Philosopher en islam et en christianisme », « Universalisme et pensée décoloniale » et « Dialogue sur l’islam ».
Dans ce contexte, l’universitaire sénégalais a présenté les préoccupations de l’intellectuelle et chercheuse marocaine Asma Lamrabet, mettant en avant sa relecture réformiste du texte religieux.
Mme Lamrabet a retracé, à cette occasion, « l’impasse créée par la supposée contradiction entre les droits de l’Homme et la religion », relevant que cette démarche est « viciée sur le plan moral », puisqu’elle met d’un côté les libertés et les droits universels et de l’autre le référentiel religieux traditionnel.
Dans un exposé sur « La crise des valeurs au sein de la famille entre droits humains universels et le référentiel religieux », elle a appelé à formuler de nouvelles alternatives morales et juridiques, notamment en ce qui concerne les questions de la famille et de la femme, à travers une approche qui prend en considération les valeurs fondamentales de l’Islam, les changements intervenus dans les sociétés et les conventions internationales ratifiées par le Maroc.
Mme Lamrabet est activement impliquée dans le dialogue interreligieux, ayant participé à plusieurs conférences sur ce thème au Maroc et à l’étranger. Elle a également publié plusieurs livres et ouvrages collectifs (traduits en plusieurs langues) sur les thèmes de l’islam, du dialogue interculturel et de la femme, dont les plus célèbres sont « 20 questions and answers on islam and women a reformist vision », « L’héritage des femmes » et « Islam et libertés fondamentales, pour une éthique universelle ».