Agro-industrie : le passé promis à un bel avenir
L’histoire a montré que le Maroc a bravé vents et marées pour décrocher la position qu’il détient actuellement en matière d’industrialisation. Et même si l’exploitation de ce potentiel n’est pas à son paroxysme, l’avenir s’avère prometteur eu égard aux perspectives de développement qui s’offrent au pays. Il suffit d’appuyer sur le «champignon» et de renforcer les acquis.
Il fut un temps où le Maroc disposait d’un dispositif industriel axé sur la diversification du tissu productif. Il était question de renforcer l’héritage légué par les forces coloniales notamment dans le textile et l’agro-industrie. Une orientation industrielle qui s’est estompée au fil des années, avant qu’un tournant majeur ne finisse par être pris. Aujourd’hui, le Maroc s’inscrit dans cette logique de la configuration des modèles industriels qui prônent l’ouverture et la diversification notamment dans des niches de proximité dans des secteurs dans lesquels le pays a réalisé des progrès progressifs. Ces niches concernent éventuellement l’agriculture et l’agroalimentaire. Le Royaume a adopté une stratégie ambitieuse, connue sous le nom de Plan Maroc Vert, qui vise à renforcer la compétitivité du secteur agricole.
Ce plan s’est concentré sur l’agriculture durable, l’irrigation et le développement des chaînes de valeur. En conséquence, le Maroc a connu une croissance significative de ses exportations de fruits et légumes, se limitant ainsi à la production de primeurs, laissant de côté la transformation qui pourrait augmenter davantage sa capacité d’exportation et conquérir de facto de nouveaux marchés internes comme externes.
Dans ce sens, le Haut Commissariat au Plan avait présenté, en 2018, une étude sur le potentiel de diversification de l’économie marocaine et les nouvelles opportunités de sa croissance, basée sur une étude de Harvard effectuée en 2006. Cette étude relate une approche relative à l’économie complexe, ou ce qu’on appelle communément les capabilités. En d’autres termes, les produits destinés à l’international requièrent des connaissances technologiques et des dispositions de l’environnement social et institutionnelles pour être fabriqués.
Ainsi, à travers ces acquis, le pays est capable de produire des produits similaires ou proches de ceux qu’il importe. Un pari que le Maroc tente de gagner à travers des stratégies telles que le développement de zones agro-industrielles orientées vers l’exportation, comme les agropoles, lesquelles attirent des investissements nationaux et étrangers. Ces zones encouragent la production de cultures à haute valeur ajoutée pour l’exportation.
Amont Vs aval
Certes le pays reste à vocation agricole et grand exportateur de produits alimentaires, mais aux yeux de l’OMC (Organisation mondiale du commerce), il est considéré comme importateur net de ces derniers. Selon des experts dans le domaine, cette ambivalence s’explique en grande partie par le fossé entre l’amont et l’aval de la chaîne de valeur. En effet, si la production agricole a été massifiée ces dernières années grâce notamment au Plan Maroc Vert et son successeur «Génération Green», la transformation de la matière brute pour en faire un produit industriel ciblant à la fois le marché intérieur et les marchés internationaux n’est pas encore au rendez-vous. Cependant, à l’horizon 2030, le Maroc pourrait faire de son industrie agroalimentaire un nouveau fer de lance de sa souveraineté alimentaire, de son économie et de ses échanges commerciaux avec le reste du monde. Sécurité, Intégration, Durabilité et Innovation constituent à cet égard les piliers d’une vision rénovée.
Le secteur en chiffres
Le secteur de l’industrie agro-alimentaire (IAA) génère 30 milliards de dirhams en valeur ajoutée, soit 26 % du PIB industriel, et regroupe environ 2.000 entreprises et emploie plus de 150.000 personnes, soit l’équivalent de 25% de l’effectif industriel global. Ceci dit, l’agro-industrie, l’un des secteurs phare du Plan d’Accélération Industriel du Maroc, connaît depuis près de 10 ans une croissance de l’ordre de 6% par an en moyenne, et constitue donc un pilier important de l’industrie marocaine avec près de 5% du PIB national. Ce qui lui vaut d’être le deuxième secteur industriel du pays en taille.
Les produits marocains de l’agro-industrie sont en effet principalement destinés au marché domestique, les biens exportés ne représentant que 12% du total des exportations industrielles pour une valeur d’à peine 1,7 milliard de dollars. Les exportations restent ainsi inférieures par rapport à leur potentiel, aux opportunités du marché mondial et aux nombreux accords de libre-échange signés par le Maroc, situation due essentiellement à l’insuffisance de l’offre exportable, aux irrégularités des campagnes agricoles et au cadre réglementaire et fiscal actuel qui, selon les professionnels, empêche l’émergence d’un marché intérieur organisé à cause de la vente en vrac de produits transformés et d’une imposition de la TVA à 20% sur les produits alimentaires emballés.
S’agissant des exportations du secteur de l’agriculture et agro-alimentaire, elles ont avoisiné les 62,4 MMDH à fin septembre 2023, en légère baisse de 0,5%, après une hausse significative enregistrée un an auparavant (+23,4%).
Cette évolution est attribuable au retrait de la valeur des expéditions de l’industrie alimentaire de 2,2% et à une quasi-stagnation de celles des produits d’agriculture, sylviculture et chasse (+0,2%). Toutefois, au titre du troisième trimestre 2023, les exportations de l’agriculture et agro-alimentaire se sont accrues de 1,7%, recouvrant un raffermissement des expéditions des produits d’agriculture, sylviculture et chasse de 11,8%, et une baisse des expéditions de l’industrie alimentaire de 1,5%.
Maryam Ouazani & Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO