Economie

Financement climatique : comment mobiliser le secteur privé africain ?

Après avoir raté le train de l’industrialisation, les acteurs privés africains doivent faire preuve d’ingéniosité et d’anticipation pour investir massivement dans les énergies renouvelables et les projets environnementaux. C’est une belle occasion de se positionner sur un créneau d’avenir. 

À l’heure où la communauté internationale et plus précisément les grands pays pollueurs tardent à tenir leurs promesses sur le financement du climat, de plus en plus de voix appellent les pays africains à se mobiliser pour financer eux-mêmes leurs projets en rapport avec le climat. Il est vrai que cela parait injuste, car les plus grands pollueurs, responsables, en partie du réchauffement climatique, doivent réparer les dégâts qu’ils provoquent. C’est d’ailleurs dans ce sens que l’Accord de Paris lors de la COP21 avait tout son sens, puisqu’il poussait les pays développés à reconnaitre leurs responsabilités et à mettre la main à la poche afin de compenser les pays pauvres, qui subissent les impacts de leurs activités économiques et industrielles. Mais, bientôt 10 ans après la conclusion de cet Accord de Paris, on peine toujours à tenir cette promesse.

Œil du cyclone
Au même moment, la dégradation de l’environnement se poursuit. Le réchauffement climatique s’accélère, puisque de nouveaux records de chaleur ont été enregistrés en cet été 2023. Et, fait très rare, des vagues de chaleur simultanées déferlent sur la planète. Cela sans parler de la multiplication des incendies de forêt, enregistrés de façon très surprenante, dans des pays habituellement connus pour leur climat glacial comme le Canada.

Selon les météorologues, le phénomène El Niño, qui accélère le réchauffement et la hausse de la température des océans, semble désormais s’installer. Conséquences, un risque de hausse du nombre de tempêtes, de cyclones, d’ouragans et autres typhons, comme on en voit habituellement sur les Caraïbes et aux États-Unis. Plus intrigant encore, l’Afrique commence à avoir ses rendez-vous annuels avec ces phénomènes naturels destructeurs. C’est le cas notamment en Afrique australe. Des pays comme le Mozambique ou encore Madagascar sont désormais les trajectoires macabres et destructeurs de ses tempêtes et autres ouragans. Moins préparées que les pays développés, ces nations africaines paient le prix fort en termes de pertes humaines et matérielles.

Financements
La réalité est donc là : l’Afrique subit les conséquences du réchauffement climatique. À cela s’ajoutent des pluies diluviennes et leurs lots d’inondations et de destruction du peu d’infrastructures qui existent dans certains pays, notamment dans la région sahélienne. Tout cela oblige les pays africains à réagir. Malheureusement, tout semble indiquer que le réflexe qui prédomine à ce jour est de toujours penser aux financements extérieurs pour faire face au réchauffement climatique. En tout cas, c’est ce que l’on a tendance à comprendre à travers le plaidoyer des dirigeants de nombreux pays africains. Ce qui n’est certainement pas la meilleure façon de réagir face à l’urgence climatique. C’est dans ce contexte que de plus en plus de voix appellent à un sursaut africain pour prendre ce problème à bras le corps, et pour préserver l’avenir du continent.

Réaction africaine
Cette réaction africaine, qui ne dédouane pas les pays industrialisés de leurs responsabilités, passe par une mobilisation des États et du secteur privé africain. D’ailleurs, la Banque africaine de développement (BAD) en fait une de ses priorités du moment.

Dans la déclaration finale des 58es assemblées annuelles de la BAD qui se sont récemment tenues à Charm El Cheikh sous le thème «Mobiliser le financement du secteur privé pour le climat et la croissance verte en Afrique», les gouverneurs ont exhorté les partenaires de la banque à mener des efforts pour combler le déficit annuel de financement climatique du continent. Celui-ci s’élève à environ 213,4 milliards de dollars. C’est énorme. Et il ne sera possible de le mobiliser qu’avec la contribution du secteur privé africain. Pour ce dernier, c’est d’ailleurs une belle occasion de se positionner sur un créneau d’avenir.

Après avoir raté le train de l’industrialisation, les acteurs privés africains doivent faire preuve d’ingéniosité et d’anticipation pour investir massivement dans les énergies renouvelables et les projets environnementaux. À n’en pas douter, ce sont des projets porteurs, qui permettront de réaliser d’une pierre deux coups. S’adapter au réchauffement climatique tout en réussissant à faire du business. À bon entendeur !

Jean Paul Adan
Directeur de la technologie des ressources naturelles et du chan- gement climatique à la Commis- sion économique pour l’Afrique des Nations-Unies (CEA)

«Il faut souligner qu’il y a un investissement important qui se fait sur le continent par le secteur privé africain. Récemment, il y a eu la création d’un groupe qui s’appelle « Team Energy Africa ». C’est un groupe de partenaires privés qui veulent investir dans l’accès à l’énergie sur le continent africain».

Seyni Nafo
Secrétaire général de l’initiative Triple A

«Il nous faut prioriser les sources de financement qui existent sur le continent. Il s’agit principalement du marché de carbone, le développement de la fiscalité verte, la mobilisation des financements à long terme détenus par les fonds de pension du continent».

Abdellah Benahmed / Les Inspirations ÉCO


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