Maroc

Les peines alternatives au centre du débat à Rabat

« Les peines alternatives aux peines privatives de liberté » est le thème d’un séminaire international dont les travaux se sont ouverts, ce mardi à Rabat, avec la participation d’une pléiade d’experts marocains et arabes dans le domaine judiciaire.

Organisé du 28 au 30 juin à l’initiative de la Présidence du ministère public, en partenariat avec l’Université arabe Naïf des sciences de la sécurité et avec le soutien de l’UNICEF, ce séminaire réunit, en plus de 100 participants du domaine judiciaire marocain et des secteurs concernés de la justice, 40 participants de pays arabes (Arabie saoudite, Jordanie, Soudan, Tunisie, Égypte, Bahreïn, Koweït, Sultanat d’Oman et Palestine).

Ce conclave, à caractère scientifique, vise à renforcer les capacités des participants, notamment les magistrats d’instruction, de la justice des mineurs et du ministère public, en matière de bonnes pratiques aux peines alternatives aux peines privatives de liberté, en vue de réduire le nombre des détentions provisoires des majeurs et mineurs, ainsi que d’améliorer les performances du système national de justice pénale.

Les principaux objectifs du séminaire consistent à démontrer l’importance des alternatives aux peines privatives de liberté à la lumière du droit pénal comparé et des sciences humaines y afférentes, à clarifier les bonnes pratiques en matière d’exécution des peines privatives de liberté dans la législation des États arabes, et à expliquer les efforts de la mise en œuvre judiciaire arabe des alternatives aux peines privatives de liberté.

Il s’agit aussi d’examiner l’impact des alternatives aux mesures privatives de liberté sur les phénomènes de surpopulation carcérale et de récidive, et de formuler des propositions pour le développement et la réglementation des peines alternatives aux peines privatives de liberté dans les lois et institutions de justice pénale arabe, d’autant plus que le ministère de la justice a actuellement préparé un projet de loi sur les peines alternatives.

Intervenant à l’ouverture de cette rencontre, le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, s’est dit convaincu que la situation actuelle requiert l’adoption d’un système de peines alternatives, surtout à la lumière des indicateurs et des données enregistrés au niveau de la population carcérale, selon lesquels plus de 40% des détenus sont condamnés à moins de deux ans.

Selon les statistiques de 2020, les peines prononcées pour deux ans et moins constituaient 44,97%, ce qui affecte négativement la situation à l’intérieur des établissements pénitentiaires et limite les efforts et les mesures prises par l’administration dans la mise en œuvre des programmes d’intégration et de réhabilitation et de rationalisation du budget d’accueil, a-t-il souligné, ajoutant que les pratiques ont démontré l’insuffisance des peines privatives de liberté de courte durée pour assurer la dissuasion requise et limiter les cas de récidive.

Il a affirmé que le projet de loi sur les peines alternatives est devenu un enjeu majeur pour le ministère qui tient à accélérer la cadence de sa mise en œuvre, en prônant une démarche capable de garantir sa réussite en concertation avec toutes les parties prenantes.

De son côté, le président délégué du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ), Mohamed Abdennabaoui, a souligné la nécessité de moderniser le système juridique, de garantir un procès équitable et d’adopter les peines alternatives, tout en s’inspirant des expériences réussies dans d’autres pays.

Dans un mot prononcé en son nom par le secrétaire général du CSPJ, El Mustapha Lebzar, il a ajouté que le Conseil contribue à la consolidation des principes des droits de l’Homme en reconsidérant la politique punitive en matière de répression, précisant que la politique du CSPJ s’inspire des discours royaux appelant à l’adoption d’une nouvelle politique pénale qui repose sur la révision du Code de procédure pénale.

Pour sa part, le procureur général du Roi près la Cour de cassation, président du Ministère public, El Hassan Daki, a indiqué que les alternatives à la détention provisoire et les mesures alternatives aux peines privatives de liberté occupent une place importante dans la mise en œuvre de la politique pénale contemporaine, ajoutant que leur inclusion dans les législations nationales et leur application optimale contribuera à atténuer l’impact négatif des peines d’emprisonnement de courte durée, en particulier la surpopulation carcérale, devenue un phénomène auquel sont confrontés de nombreux systèmes pénaux.

Ce débat est d’autant plus pertinent lorsqu’il s’agit des mineurs, étant donné que cette catégorie, qu’elle soit victime, délinquante ou en situation difficile, a besoin de protection, a-t-il insisté, relevant que « le choix d’alternatives pour les enfants s’impose car il nous place devant le défi de la réforme, la réhabilitation et de l’intégration sans recourir à la privation de la liberté et ce, en adoptant des mécanismes internationalement reconnus tels que la justice réparatrice, le système de commutation des peines et bien d’autres alternatives qui se sont avérées efficaces, telles que le travail d’intérêt public ou des mesures d’encadrement des mineurs ».

Le président de l’Université arabe Naïf des sciences de la sécurité, Abdulmajid Bin Abdullah Albanyan, a, quant à lui, indiqué que ce symposium vise à jeter la lumière sur les alternatives aux peines privatives de liberté dans les législations arabe et étrangère, et à mettre en avant la nature du traitement réservé par les appareils judiciaires aux peines alternatives, ajoutant qu’il mettra également l’accent sur les moyens de renforcer les efforts de la société civile qui cherche à élargir le champ d’application des peines alternatives et à moderniser l’arsenal législatif y afférent en vue de renouveler les mécanismes punitifs de justice pénale dans les pays arabes.

A son tour, l’ambassadeur, représentant de l’UNICEF au Maroc, Speciose Hakizimana, a salué les efforts continus du Royaume du Maroc pour développer un système judiciaire adapté aux enfants, ainsi que les résultats tangibles réalisés tels que la réduction de 30% du nombre d’enfants en détention depuis 2017, et la multiplication du nombre des enfants bénéficiaires des alternatives à la privation de liberté depuis 2014.

Le directeur régional de l’Office des Nations-Unies contre la drogue et le crime pour les pays du Conseil de coopération du Golfe, Hatem Ali, a affirmé qu’il est grand temps de trouver des peines alternatives aux peines privatives de liberté, adaptées à la culture des pays arabes.

L’ouverture de ce séminaire, marqué par la signature d’un mémorandum d’entente entre l’Université arabe Naïf des sciences de la sécurité et le Ministère public jordanien, s’est déroulée notamment en présence de l’ambassadeur d’Arabie Saoudite au Maroc, du président du Ministère public de Jordanie, du Procureur général de Bahreïn, des représentants d’institutions nationales, d’instances judiciaires arabes et d’organisations régionales et internationales.


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