Gaz naturel au Maroc: un projet de loi favorisant le monopole ne passe pas
Le Conseil de la concurrence a émis un avis défavorable au sujet du projet de loi n° 94.17 relatif au secteur aval du gaz naturel au Maroc et portant modification de la loi n° 48.15 relative à la régulation du secteur de l’électricité.
Dans son avis concernant le projet de loi n° 94.17, « le Conseil de la concurrence recommande la reprise de la rédaction du projet de loi en vue de l’harmoniser avec les règles relatives au libre jeu de la concurrence, telles qu’édictées par la loi n° 104.12 relative à la liberté des prix et de la concurrence ».
« Étant donné que le secteur du gaz naturel n’est pas encore établi, il est impératif de profiter des bienfaits de la concurrence sur ce marché et d’éviter, dès la mise en place initiale de ce secteur, de figer des positions, d’établir des monopoles et d’octroyer des exclusivités qui auront un impact négatif sur le développement du secteur », souligne le Conseil.
En premier lieu, le Conseil recommande d’améliorer la visibilité et la prévisibilité du projet de loi, notant que certaines dispositions devraient être clarifiées et précisées en vue de disposer d’un cadre juridique stable, équitable et attractif et de renforcer sa prévisibilité afin d’adresser des signaux rassurants aux investisseurs nationaux et étrangers dans le secteur du gaz naturel. Deuxièmement, il s’agit de garantir le libre jeu de la concurrence sur le segment transport et stockage, ajoute le Conseil, estimant qu’il ne serait pas indiqué d’hypothéquer le développement du marché du gaz naturel par la seule technologie de transport via les gazoducs.
Le Conseil recommande, en conséquence, de ne pas octroyer le monopole sur la totalité des prestations et des moyens de transport car il portera atteinte à la concurrence sur un marché embryonnaire et empêchera le développement rapide du secteur du gaz naturel au Maroc.
Il est question, en outre, de garantir le libre jeu de la concurrence sur le segment distribution, en évitant d’octroyer des exclusivités de distribution régionales et en encourageant les opérateurs à réaliser les ouvrages de distribution.
L’avis du conseil préconise, également, de remplacer le système d’autorisation par un système de déclaration, proposant, ainsi, de revoir la rédaction du projet de texte, en vue de supprimer le régime de l’autorisation préalable délivrée par l’Autorité Gouvernementale chargée de l’Énergie et le remplacer par un régime de déclaration préalable auprès de l’Agence Nationale de Régulation de l’Électricité (ANRE).
En outre, le conseil recommande de permettre au producteur local d’être exempté de l’autorisation d’importation, ajoutant qu’il est d’avis que le producteur local puisse être exempté de l’autorisation d’approvisionnement pour importer le gaz naturel compte tenu de leurs engagements pris dans le cadre du partenariat établi avec l’Etat.
Il est question aussi de veiller au respect du principe de séparation des activités, fait remarquer le conseil dans son avis, notant qu’en vertu du principe de la neutralité concurrentielle, le Conseil de la concurrence recommande de prendre toutes les mesures nécessaires qui permettraient de garantir l’indépendance du ou des gestionnaires de Réseau de Transport (GRT) et des infrastructures lourdes (le stockage) vis-à-vis des structures de fourniture et de production.
L’harmonisation de la loi n° 21.90 portant code des hydrocarbures avec le projet de loi relatif au gaz naturel fait également partie des recommandations du Conseil qui estime que cette harmonisation est indispensable pour accroître la visibilité des opérateurs du secteur et pour garantir des conditions de concurrence équitables.
Le Conseil de la concurrence préconise, également, la mise en place d’une régulation ex-ante forte et éviter les chevauchements de compétences entre l’ANRE et le Conseil de la concurrence.
Le Conseil estime qu’il est nécessaire de revoir en profondeur la rédaction du projet de loi concernant les compétences de l’ANRE. Ce dernier devra prévoir explicitement que l’ANRE devra être juridiquement distincte et fonctionnellement indépendante de toute autre entité publique ou privée et pourra prendre des décisions de manière autonome, indépendamment de tout organe politique ou administratif.
Le Conseil propose aussi de consacrer la protection des droits des consommateurs et mettre en place des procédures et des mécanismes pour surveiller les pratiques contractuelles restrictives.
Il s’agit, aussi, de veiller à concilier entre les impératifs liés aux contrats à long terme des concessions conclus en vertu de la loi n° 21.90 portant code des hydrocarbures et le respect de l’ordre public concurrentiel et garantir à tous les utilisateurs l’accès non-discriminatoire et transparent au réseau de transport.
Par lettre enregistrée le 31 décembre 2019 sous le numéro 19/A/113, le Conseil de la concurrence a été saisi par le Chef du Gouvernement d’une demande d’avis concernant les articles 7 à 15 du projet de loi n° 94.17 relative au secteur aval du gaz naturel.
La demande d’avis concerne les règles relatives à « l’exclusivité de la société d’approvisionnement pour importer et acheter le gaz naturel auprès des producteurs locaux » et à « la concession » de l’activité de transport à la société de transport sur l’ensemble du territoire national.
AK