Maroc

Ordonnance sécurisée pour la vente de psychotropes: les psychiatres disent non

L’association marocaine des psychiatres d’exercice privé a tiré la sonnette d’alarme sur un projet de loi élaboré par le Ministère de la Santé relatif aux modalités de prescription et de dispensation des médicaments à base de substances psychotropes à usage humain. Ce projet, qui aurait été développé suite à une demande de l’Ordre National des Pharmaciens, a poussé ladite association à formuler de sérieuses objections, exprimant son refus de l’appuyer.

«Les malades psychiatriques, dont le nombre est important dans notre pays comme d’ailleurs dans le reste du monde, constituent par principe une population fragile et vulnérable. Une telle loi viserait à les stigmatiser davantage. Non seulement elle frôlerait le Code de Déontologie Médicale, mais aussi elle porterait atteinte à leur dignité et à leurs droits les plus élémentaires. Nous serons un des rares pays, sinon le seul dans le monde, à avoir des lois discriminatoires envers les malades psychiatriques», explique l’AMPEP dans un communiqué envoyé à Le Site info.

Selon l’association, le concept de « psychotrope » est ambigu et se définit comme une substance/médicament qui agit chimiquement sur le psychisme.

«Le projet de loi fait référence à la Convention des Nations Unies de 1971 sur les psychotropes comme inspiration de base. Dans cette convention, la qualité de « psychotrope » est déterminée par son inclusion dans un de ses quatre Tableaux (I-II-III-IV). Par contre, dans l’esprit de la majorité des pharmacies d’officine de notre pays, est « psychotrope » presque tout médicament prescrit par un psychiatre. Déjà maintenant, souvent ils ont une attitude vexatoire et discriminatoire envers les patients ayant une souffrance psychologique. Or, parmi les médicaments prescrits par les psychiatres, uniquement une infime partie entre dans les Tableaux de la Convention de 1971. Par contre, il y a d’autres nombreux médicaments « psychotropes » prescrits surtout par des généralistes et par la plupart des spécialistes, qui sont régulés par une Convention des Nations Unies, celle de 1961 sur les Substances Stupéfiantes, qui ont un pouvoir addictogène très important, comme par exemple certains antalgiques d’usage courant (tramadol, codéïne…). Ceci montre que l’exercice de la médecine est complexe, et que les lois qui vont la réguler doivent se baser sur l’évidence scientifique, sur les lois internationales et sur les consensus scientifiques. La médecine est un ensemble, et elle demande de la logique et des critères scientifiques, et non émotionnels», peut-on lire.

D’après l’AMPEP, la grande majorité des médicaments prescrits dans la pratique psychiatrique n’entraîne pas de dépendance (antidépresseurs, antipsychotiques, stabilisateurs de l’humeur…). Les individus qui en font un usage addictif ne sont généralement pas ceux qui vont vers les psychiatres, mais utilisent d’autres réseaux, notamment ceux des délivrances frauduleuses de certains anxiolytiques sans ordonnance.

Et d’ajouter : «Généralement, les malades psychiatriques ont des pathologies chroniques (comme le diabète, l’hypertension artérielle, la maladie de Crohn, la dysthyroïdie…) et ont besoin de prescriptions de longue durée, au long cours, seules garantes de leur stabilité. Les obliger à consulter une fois par mois, conduira à les obliger à arrêter leur traitement et à rechuter, ce qui alourdira le système d’hospitalisation en psychiatrie, milieu déjà défaillant et submergé».

L’association souligne également que le Maroc dispose actuellement de lois suffisantes pour le contrôle des prescriptions médicales. Il existe déjà, comme partout dans le monde, le carnet à souches pour la prescription de certains produits. «Si la mise en place d’une ordonnance médicale ordinaire sécurisée doit se faire, elle doit concerner tous les prescripteurs d’ordonnances (généralistes, spécialistes…) et elle sera la bienvenue. Elle ne peut que contribuer à la sécurité de nos malades», affirme-t-on.

L’AMPEP indique aussi qu’une loi est promulguée pour combler un vide ou pour améliorer une situation. Cette loi est discriminatoire, vexatoire et aussi inutile, estime l’association. «Les problèmes réels posés par la prescription des psychotropes (et d’ailleurs pour l’ensemble des médicaments) se situe au niveau des officines de pharmacies qui devraient revoir – pour une grande partie d’entre elles – leur mode de fonctionnement».

Et de conclure : «Nous demandons l’arrêt de ce projet de loi, et proposons une concertation incluant l’ensemble des professionnels, les conseils ordinaux, les syndicats et associations des professionnels concernés afin de décider d’une manière respectueuse des droits de nos malades et des contraintes de notre pratique. Nous sommes confiants que nous aboutirons à une décision sur les règles de prescription, qui garantit la sécurité et la dignité de la population marocaine ainsi que des professionnels de la santé».

S.L.


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