Chronique d’une vie ordinaire. Les marocains s’occupent de leur intérieur…et l’extérieur ?
Marocaine, active, engagée dans sa vie personnelle et professionnelle, Meriem pose un regard curieux, parfois étonné, sur son quotidien et celui de ses compatriotes.
par Meriem Alaoui Rizq
Au Maroc, tout le monde s’accorde à dire que nous avons une culture de l’intérieur qui est très développée. Des usages ancestraux et un savoir-faire artisanal que nous portons en héritage, à la fois sur notre manière d’être, de recevoir, de vivre.
Jusque récemment, nos intérieurs devaient répondre à des normes très précises, reflétant l’art de vivre à la marocaine et la manière dont les maîtres de maison avaient choisi de les réinterpréter à « leur sauce ».
Aujourd’hui, si d’aucuns se sentent plus libres de réinterpréter les traditions, chacun à sa sauce, tous ont la même aspiration qu’ailleurs: que l’intérieur de son « chez soi » soit une carte de visite qui parle de soi, en se passant de paroles : la qualité des finitions, la richesse des tissus, la finesse des décorations, qu’elles viennent du bout du monde ou d’un magasin qui ramène l’exotisme à prix accessibles, tout ça dit, à la place de la famille, son ouverture sur le monde, au même titre que le nombre de chaînes tv qu’elle capte ou la taille de l’écran devant lequel elle se rassemble.
Tout le soin que nous apportons à nos intérieurs pour montrer, sans parler, notre statut social se matérialise également pour « le dehors », avec un soin pareillement apporté aux signes extérieurs de statut : vêtements « in », avec des marques – d’origine ou copiées – plus ou moins visibles ; tous ces accessoires disant à quel point leur propriétaire choisit de coller à l’air du temps, ou pas.
Les marocains s’occupent de leur intérieur, de leur apparence et attributs extérieurs mais il y a bien un aspect de ce « dehors » qui ne les intéresse pas beaucoup, dans leur immense majorité ; ce qui se passe en dehors des murs de leur maison ou des portes de la voiture, le « vrai dehors »
Un vrai désintérêt est marqué pour ce qui est censé rassembler : la chose collective.
Moi, je me suis toujours demandée comment on pouvait autant prendre soin du lieu de vie de la famille et aussi peu se soucier de la vie de la ville.
Jeune ado, une image d’une normalité affligeante m’avait pas mal marquée: il y a de ça quelques années, nous passions, en voiture, avec mes parents, dans un quartier résidentiel ou des petites villas jouxtaient des immeubles denses. Une des portes de garage de la villa s’ouvre et une employée de maison, sortant les ordures, vidait le contenu total de la poubelle (épluchures de légumes, emballages), à quelques pas de la villa, secouant bien la poubelle avant de rentrer à la maison poursuivre son travail.
Elle, évidemment, n’y est pour rien. En tout cas, elle n’est pas le sujet ni la cible de cette chronique. On ne lui aura pas donné la consigne. Peut-être, à l’époque avais-je jugé hativement les habitants de la villa mais je n’avais pas bien compris comment on pouvait habiter dans une villa cossue et ne pas se soucier du lieu ou finissaient les ordures ménagères de la famille
Cette interrogation de l’époque met le doigt sur quelque chose qui caractérise pas mal certains d’entre nous : une envie de ne pas regarder là où c’est sale, moche, odorant ….où le monde s’invite dans son infini bazar, dans la vie bien rangée de certains.
Cette situation et ce qu’elle disait de la manière qu’avaient certains de cloisonner le dedans et le dehors m’avait vraiment étonnée. A l’époque. Et aujourd’hui encore.
Je me demande encore si les choses ont tellement changé
A suivre