Politique

Légalisation du cannabis: le PJD bouillonne

Le PJD bouillonne. Les remous internes, au sein du parti de la lampe, semblent à leur apogée. À peine sorti de la crise ayant trait à la normalisation des relations avec Israël, qui déteint encore sur sa cohésion, que le parti doit gérer un autre dossier brûlant, celui de la légalisation du cannabis dont le projet de loi sera rediscuté en Conseil de gouvernement.

Plusieurs membres du PJD sont catégoriques sur cette question et ferment la porte à tout compromis. Les instances décisionnelles du parti de la lampe arriveront-elles, cette fois-ci, à éteindre le feu qui couve, depuis de longs mois, sous les pieds de Saad Dine El Otmani ? Cette mission parait difficile face à la sortie de l’ancien chef de file du PJD et ex-chef de gouvernement, Abdelilah Benkirane, qui a menacé de quitter le parti si les parlementaires du PJD votaient en faveur du texte relatif à l’usage légal du cannabis. Une position qui aura certainement un impact sur les militants du parti. Même la démission de Driss Azami Idrissi de son poste de président du Conseil national du parti, qui n’a pas été validée par le bureau politique du PJD, est due entre autres raisons au dossier du cannabis.

Rappelons que le PJD s’est toujours opposé à la légalisation du cannabis et a, à plusieurs reprises, affiché son niet catégorique sur cette option au sein du parlement. Or, force est de constater qu’il ne s’agit pas d’un avis général au niveau interne. Certains PJDistes ont, en effet, des positions modérées et plaident pour le lancement d’un véritable débat sur cette question afin de mettre fin aux malentendus et pouvoir apprécier la situation à sa juste valeur. C’est le cas de la députée Amina Maelainine qui, dès l’annonce de la programmation du projet de loi en Conseil de gouvernement, a appelé le parti à adopter une politique de communication proactive et urgente à propos de ce texte qui « commence à susciter des réactions négatives auprès de certains jeunes du parti en l’absence de la formation, de l’encadrement interne et de la communication externe». La parlementaire estime nécessaire de tenir une journée d’étude sur ce dossier en présence des experts du droit international et de l’industrie pharmaceutique ainsi que des représentants de la population concernée.

Pour sa part, le président de la région de Rabat-Salé-Kénitra et membre de l’administration générale du PJD, Abdessamad Sekkal, n’a pas hésité à afficher son point de vue sur les réseaux sociaux. Il considère qu’au regard des développements scientifiques et des décisions des institutions internationales, la légalisation du cannabis demeure la meilleure solution d’autant plus qu’elle ouvre la voie à l’exploitation de cette substance à des fins légitimes et bénéfiques, tout en résolvant une problématique sociale de longue date. Il estime, par ailleurs, qu’il s’avère impératif d’améliorer le texte et de prendre toutes les mesures d’accompagnement qui s’imposent pour réduire les utilisations illégales et nuisibles du cannabis. On s’attend à des débats houleux sur ce dossier au sein du parti de la lampe. Quant aux autres formations partisanes, elles sont attendues sur leur position vis-à-vis du texte qui est ficelé par le ministère de l’Intérieur.

Rappelons à cet égard que le Parti de l’Istiqlal était le premier à évoquer cette question au sein de l’institution législative et avait présenté une proposition de loi, en 2014, sur la dépénalisation et la réglementation de cette activité en perspective de son usage à des fins médicales et pharmaceutiques. Le président du groupe parlementaire du parti de la balance à la chambre des représentants, Noureddine Moudiane, est revenu à la charge il y a quelques jours pour demander de déterrer ce dossier.

Le PAM a emboité le pas à l’Istiqlal, en 2015, en présentant une proposition de loi d’amnistie générale pour les cultivateurs de cannabis. Le dossier était évoqué à plusieurs reprises au parlement et a fait l’objet de joutes verbales entre les parlementaires du PJD et ceux du PAM. Le même scénario risque de se reproduire dans la conjoncture actuelle même si la relation entre les deux partis s’est apaisée au fil des années. Le parti du tracteur compte bientôt livrer sa position sur le projet de loi en cours d’examen par le conseil de gouvernement. Lors de la dernière réunion de son bureau politique, il a décidé de créer une commission interne qui sera chargée d’élaborer un rapport approfondi sur le contenu du texte.

Rappelons que le Maroc a tenté, pendant des années, de lutter contre la culture du cannabis, en vain. Le gouvernement a investi des centaines de millions de dirhams pour encourager les cultures de substitution au cannabis et promouvoir l’emploi à travers des activités génératrices de revenus. Mais, il était difficile de venir à bout de cette activité exercée par des milliers de cultivateurs. Des cultivateurs qui vivent dans la précarité, contrairement à ce que l’on pourrait penser, selon des élus de la région.

Face à la position de certains membres du gouvernement, le Conseil de gouvernement, réuni demain, adoptera-t- il le projet de loi n° 13.21 portant usage légal du cannabis? En tout cas, c’est ce qui est prévu après avoir été examiné la semaine dernière. Les dispositions du texte sont très attendues par certains acteurs politiques, la société civile et la population locale. Le projet vise l’autorisation de la culture du cannabis, sa commercialisation pour des fins pharmaceutiques et industrielles et son exportation. Il sera passé au crible par les différentes compositions politiques avant le démarrage de son examen au parlement. Certaines voix appellent à verrouiller le dispositif pour prévenir d’éventuels abus. D’après des sources au PJD, tout porte à croire que le texte ne sera pas adopté avant la fin de cette législature.

Jihane Gattioui / en partenariat avec Les Inspirations Éco


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