Maroc

Avoir 20 ans au Maroc, mission impossible ?

En plus des restrictions des sociabilités imposées par la pandémie liée au coronavirus, les jeunes font face à un chômage sans précédent. Pire encore, un peu plus de la moitié des salariés ne disposent d’aucun contrat formalisant leur relation avec l’employeur.

Après un long confinement, les jeunes ont droit à d’autres entraves à leur liberté. Outre le couvre-feu imposé par la Covid-19, cette catégorie de la population fait face à pléthore de gestes barrière, entre autres restrictions de sociabilité, à savoir la fermeture des salles de sport et lieux de spectacle et de loisirs, ainsi que les limitations de déplacement, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. Si à tout cela il faut ajouter la précarité et l’incertitude de l’avenir, 2020 devient insupportable pour les jeunes. Une triste réalité confirmée par l’évolution des indicateurs du marché de travail au titre du troisième trimestre 2020. Selon une nouvelle enquête nationale du Haut-commissariat au Plan (HCP) sur l’emploi, sur la période précitée, la population en âge d’activité (15 ans ou plus) a atteint 26.797.000, dont 11.648.000 sont des actifs. Les personnes en dehors du marché de travail âgées de 15 ans ou plus, estimées à 15,15 millions, sont en majorité des femmes au foyer (54,9%) et des élèves ou étudiants (24%). Les femmes représentent 73,8% de cette population.

Le chômage, un tampon indélébile chez les jeunes
Il est à rappeler que le nombre de chômeurs a augmenté de 368.000 entre le troisième trimestre de l’année 2019 et celui de 2020, passant de 1.114.000 à 1.482.000 chômeurs, ce qui correspond à une augmentation de 33%. Cette hausse est le résultat d’une augmentation de 276.000 chômeurs en milieu urbain et de 92.000 en milieu rural. Près de 8 chômeurs sur 10 (79,5%) résident en milieu urbain, 71,2% sont de sexe masculin, 71,9% sont âgés de 15 à 34 ans et 31,4% sont détenteurs d’un diplôme supérieur.

Précarité de l’emploi
La description faite par le HCP du marché du travail laisse apparaître un autre tableau noir. Les jeunes âgés de 15 à 34 ans constituent 34,8% du volume total de l’emploi ; les 15-24 ans 8,7% et les 25-34 ans 26,1%, ce qui est peu, estiment les experts. Un peu plus de la moitié (53,8%) des actifs occupés n’ont aucun diplôme, 31,2% ont un diplôme moyen et 14,9% ont un diplôme supérieur. Par ailleurs, l’enquête du HCP révèle que la précarité des emplois et la faible protection sociale se sont imposées aux travailleurs. «L’emploi salarial touche un peu plus de la moitié (51,9%) des actifs occupés (contre 50,5% une année auparavant)», expliquent les auteurs de l’enquête, ajoutant que les indépendants représentent 30,3% des actifs occupés (contre 30,6% une année auparavant ; 33,9% parmi les hommes et 15,7% parmi les femmes. Les aides familiaux représentent 13,2% (contre 14%) et le statut d’employeur ne représente que 1,9% (contre 2,5% une année auparavant).

Faible protection sociale
Enfin, près de la moitié (46,5%) des salariés bénéficient d’une couverture médicale assurée par leur employeur (53,5% en milieu urbain et 27,2% en milieu rural, 60% parmi les femmes et 43,4% parmi les hommes). Par ailleurs, un peu plus de la moitié des salariés (55,1%) ne disposent d’aucun contrat formalisant leur relation avec l’employeur (55,2% au troisième trimestre de 2019). Un peu plus du quart (25,6%) disposent d’un contrat à durée indéterminée, 11,8% d’un contrat à durée déterminée et 6,2% d’un contrat verbal. La part des salariés ne disposant d’aucun contrat s’élève à 40,5% parmi les femmes et à 58,4% parmi les hommes, ces deux parts étaient respectivement de 41,3% et de 58,7% au troisième trimestre de 2019. Les jeunes salariés âgés de 15 à 29 ans et les personnes n’ayant aucun diplôme sont les plus touchés par le travail sans contrat avec respectivement 63,4% et 72,8%. Cette catégorie de la population a connu les plus importantes hausses du taux de sous-emploi. 

Le point de vue de Mohamed Tozy, sociologue

C’est difficile d’avoir 20 ans dans tous les pays, et le Maroc n’échappe pas à cette réalité. On le constate d’ailleurs dans la catégorie des jeunes dite privilégiée notamment, pour ce qui est des étudiants. En dépit de leurs outils informatiques, ils ont parfois du mal à accéder à un contenu d’enseignement et de formation de qualité alors que la conjoncture voudrait que l’enseignement et la formation à distance soient de rigueur. Concernant la catégorie des jeunes qui ne sont ni dans le système éducatif ni dans le monde du travail, les horizons et les possibilités d’avoir du travail sont réduits du fait de l’état économique mondial actuel. Je tiens à souligner ici que contrairement à ce qu’on pense, un diplômé a plus de chances d’avoir un travail au Maroc qu’un jeune sans formation. Le contraire est peut-être valable dans le monde rural. En plus des réalités du marché de l’emploi, les jeunes sont aujourd’hui victimes des restrictions des sociabilités imposées par la pandémie liée au nouveau coronavirus. Or, quand on est jeune, on est dans des sociabilités plus fortes que si l’on avait 60 ans.

Vous avez dit «sécurité sociale»?

Pour ce qui est de la sécurité sociale, au terme du troisième trimestre 2020, seul un quart des actifs occupés (25,6%) bénéficient d’une couverture médicale liée à l’emploi (36,9% dans les villes et 9,5% à la campagne). Ces parts ont été respectivement de 24,5%, 36,4 et de 8,3% au même trimestre de 2019. La part des actifs occupés affiliés à un régime de couverture médicale s’améliore avec le niveau de diplôme. Elle passe de 12,1% parmi les personnes n’ayant aucun diplôme à 74,2% parmi les détenteurs d’un diplôme supérieur. Selon les secteurs, les actifs occupés exerçant dans l’industrie y compris l’artisanat enregistrent le taux de couverture médicale le plus élevé (44,5%), suivis de ceux relevant du secteur des services (37,1%), des BTP (12,0%) et de l’agriculture, forêt et pêche (5,6%).

Khadim Mbaye / Les Inspirations Éco


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