Ce que Guterres, nouveau SG de l’ONU, pourrait apporter au Maroc
Réputé pour être un homme d’action, l’ancien Premier ministre portugais Antonio Guterres, en passe d’être élu secrétaire général de l’ONU, est un socialiste modéré, catholique et pro-européen, qui a gagné ses galons en tant que Haut commissaire de l’ONU aux réfugiés (HCR).
Plus convaincant que ses rivaux dès les auditions passées à la mi-avril devant l’Assemblée générale, l’ex-patron de l’agence onusienne pour les réfugiés s’est imposé comme favori à la succession de Ban Ki-moon en remportant les six scrutins indicatifs organisés depuis au Conseil de sécurité.
Jonglant avec aisance entre français, anglais et espagnol, il avait promis alors de dynamiser la bureaucratie onusienne: « Il y a trop de réunions, avec trop de participants et pas assez de décisions ».
Mis à l’épreuve par la plus grave crise de réfugiés qu’a connue le monde, en raison de la guerre civile en Syrie, cet homme de 67 ans n’a cessé de lancer des cris d’alarme à la communauté internationale pour plus de solidarité envers les millions de migrants et demandeurs d’asile.
Le bilan de ses deux mandats à la tête du HCR (2005-2015) est également marqué par une réforme de son organisation interne, qui a permis de réduire d’un tiers le personnel basé à Genève afin d’augmenter sa capacité d’intervention d’urgence à l’international.
Ingénieur de formation né à Lisbonne le 30 avril 1949, Antonio Guterres entame son parcours politique au sein des mouvements catholiques avant d’entrer au Parti socialiste portugais (PS), pour lequel il milite au lendemain de la Révolution des oeillets de 1974, qui a mis fin à près de 50 ans de dictature.
Elu député de la première législature en 1976, Antonio Guterres a longtemps siégé au Parlement, gagnant dans les joutes oratoires une réputation de tribun au verbe facile qui lui a valu le sobriquet de « marteau-piqueur parlant ».
En 1992, il devient secrétaire général du Parti socialiste, alors dans l’opposition. Sous la direction de cet homme d’appareil à l’allure simple et affable, les socialistes remportent les législatives d’octobre 1995, une victoire qui le propulse au poste de Premier ministre.
Le Portugal connaît alors une période d’expansion accélérée et de quasi-plein emploi, qui permet à M. Guterres de créer le « revenu minimum garanti », une de ses mesures phare, et de faire passer dans l’opinion l’image d’un homme politique responsable et ouvert au dialogue.
Cet Européen convaincu se fixe pour objectif prioritaire l’entrée dans l’euro, pari qu’il remporte avec succès.
Reconduit après les législatives de 1999, Antonio Guterres restera dans l’histoire comme le premier chef d’un gouvernement minoritaire à mener son mandat à terme depuis l’avènement de la démocratie au Portugal.
C’est dans cette période que Guterres a accueilli à Lisbonne, le premier ministre du gouvernement de l’alternance Abderrahmane El Youssoufi. c’est alors que Rabat et Lisbonne ont inauguré un nouveau chapitre de leurs relations économiques, politiques et culturelles. Le premier ministre portugais a entamé également plusieurs visites au Maroc et a été très sensible à l’argumentaire marocain par rapport à la question nationale.
Connaissant parfaitement le dossier, ce futur secrétaire général des Nations-unies sera appelé à dynamiser le dossier dans un sens qui pourrait aboutir à une solution politique juste, durable et acceptée par les parties. en tout cas et au vu de son expérience sur le terrain, et sa parfaite maîtrise de cette question, il ne tombera jamais dans les impairs de son prédécesseur Ban Ki Moon. En tant qu’ex-responsable onusien des affaires des réfugiés, il a eu à se confronter au refus catégorique des autorités algériennes de recenser les populations des camps du Polisario à Tindouf.
Lors du référendum de 1998 sur la dépénalisation de l’avortement, ses détracteurs, notamment au sein du PS, lui reprochent cependant d’avoir contribué à la victoire du « non », car ce fervent catholique n’a jamais caché ses réticences à l’égard de l’interruption volontaire de grossesse.
Lorsque le Timor oriental, ancienne colonie portugaise, est ravagé par les massacres de milices pro-indonésiennes en 1999, après la victoire des partisans de l’auto-détermination au référendum, M. Guterres met en oeuvre toute son habileté diplomatique pour parvenir à convaincre la communauté internationale de la nécessité d’une intervention des Nations unies.
Au premier semestre 2000, sa présidence tournante de l’Union européenne est considérée comme une réussite, grâce à l’organisation du premier sommet UE-Afrique et à l’adoption de l’Agenda de Lisbonne pour la croissance et l’emploi.
Pourtant, au Portugal, sa popularité faiblit. La conjoncture économique se détériore et M. Guterres apparaît incapable de donner un nouveau souffle à son second mandat.
Fin 2001, les socialistes perdent les élections municipales et leur secrétaire général démissionne du poste de Premier ministre sur le champ, à mi-parcours de son mandat.
Président de l’Internationale socialiste déjà depuis 1999, il abandonne alors la vie politique portugaise pour se consacrer à sa carrière diplomatique à l’étranger.
Depuis, son nom revient tout de même parmi les candidats potentiels à chaque élection présidentielle au Portugal, mais il a toujours refusé d’endosser ce rôle d’arbitre: « J’aime l’action, le terrain, les choses qui m’obligent à intervenir en permanence ».
Guterres a eu deux enfants avec sa première épouse, décédée en 1998. Il s’est remarié depuis.
(rédaction et AFP)