Marocains bloqués à l’étranger: entre désespoir, dépit et rage
Par Larbi Alaoui
Depuis la décision de suspendre les liaisons aériennes et maritimes, prises par les autorités pour cause de covid-19, des milliers de Marocains sont encore bloqués à l’étranger. Il s’agit de touristes, d’étudiants, de MRE, de députés, sans oublier un conseiller, vice-président de sa commune rurale, qui a tenté vainement le « hrig » du Sud de la France pour rentrer au Maroc.
Avec toutes les répercussions néfastes que cela engendre sur leur moral, leur psychisme, leur nostalgie du pays et des leurs, ainsi que sur leurs… porte-monnaie, leurs budgets s’étant rétréci comme peau de chagrin, voire dépensés jusqu’au dernier centime.
Après un motus et bouche cousue de l’Exécutif concernant leurs nombreux SOS, leurs doléances et leur amer désappointement, via leurs nombreuses vidéos et photos, publiées et largement commentées sur les réseaux sociaux, le chef de gouvernement n’a pu répondre, finalement, que par une lapalissade subliminale.
Rappelons-nous cette fameuse phrase, qui restera dans les annales,prononcée, par Saâeddine El Othmani lors d’un entretien télévisé, retransmis sur trois chaînes nationales de télévision! « Quand les frontières seront rouvertes, nous procéderons à leur rapatriement ». Belle promesse, d’une clarté évidente, même « au non-voyant dans les ténèbres » ,selon l’adage du cru! Cela leur fait une belle jambe, à ces milliers de nos compatriotes dont le pressant vœu se résume douloureusement en une seule et pathétique phrase. Elle n’est point une vérité de Jacques II de Chabannes, dit Jacques de La Palice, et la célèbre phrase: « Un quart d’heure avant sa mort, il était encore en vie ». Pas du tout, hélas! « Nous voulons rentrer dans nos foyers » est le cri de détresse désespéré des Marocains bloqués ailleurs et leur leitmotiv incessant. C’est tout ce dont ils aspirent de tous leurs sens.
Et ce n’est que le mardi 19 mai que le chef de gouvernement a remis ce délicat sujet humanitaire sur le tapis.Et cela, sous l’Hémicycle, lors de ses réponses aux interventions des groupes parlementaires, concernant le programme gouvernemental pour les cinq prochaines années, qu’il avait présenté, lundi dernier, devant les députés des deux Chambres.
Et qu’a révélé El Othmani de si important? Eh bien, que le nombre des Marocains bloqués à l’étranger, à cause du nouveau coronavirus, est de 31.819 personnes. Et de préciser que ce nombre est en hausse, selon les listes établies par les ambassades et consulats du Royaume des différents pays où se trouvent encore, malgré leur volonté et leurs desiderata, nos malheureux compatriotes.
Leur retour au bercail exige de nombreux préparatifs et des réunions sont organisées au sein de toutes les parties prenantes, afin d’étudier sérieusement ce dossier, a promis le chef de gouvernement. Les critères et les conditions du rapatriement sont aussi à l’étude, ainsi que les conditions de leur isolement et la désignation des lieux où celui-ci va être effectué, après leur retour, a encore souligné El Othmani.
« Une feuille de route préparée par l’exécutif est déjà fin prête et sera mise en oeuvre sitôt que la décision sera prise sur cette situation », a repromis le chef de gouvernement. Et comme s’il voulait se »dédouaner » des mains liées de son gouvernement, quant au sort incertain de nos compatriotes, pensent certains observateurs, El Othmani a exprimé son dépit à l’encontre des critiques de groupes parlementaires au sein de la deuxième Chambre. Pour lui, leurs accusations sur la passivité et la léthargie de l’Exécutif, à propos de ce sujet, sont dénuées de fondement et, par la même occasion, il leur a demandé de comprendre « les difficultés auxquelles est confrontée cette situation ».
Enfin, pour conclure sa plaidoirie défendant son gouvernement, El Othmani a vite fait d’enfoncer une porte ouverte (une lapalissade de plus à ajouter à ses précédentes!) en rappelant que les Marocains bloqués à l’étranger comptent parmi eux des parlementaires, de hauts fonctionnaires, »ainsi que des membres de ma famille qui n’ont pu rentrer au Maroc ».
« La logique de l’Etat a pour principe de se comporter selon l’intérêt général », a fini par dire sybellinement le chef de gouvernement. Tout cela est bien beau, rétorqueront les concernés, mais ce ne sont pas ces belles paroles et ces vagues promesses qui les feront sortir des auberges américaine, française, belge et même thailandaise, entre autres pays où ils sont confinée jusqu’à nouvel ordre et dont la date demeure inconnue de Nostradamus, de Mme Soleil et de toutes les cartomanciennes du Royaume.
« Paroles, paroles et encore des paroles! », chantait Dalida, en duo avec Alain Delon. L’on ne retiendra de tout cela que le nombre (31, 819) des Marocains bloqués à l’étranger, quels que soient leurs âges, leurs situations et leurs parentés avec X ou Y.
Ce constat semble être de mauvais augure pour nos compatriotes dont le retour au pays n’aura pas lieu demain la veille! Malheureusement!
L.A.