Economie

Maroc: comment l’économiste Omar Bakkou envisage l’après Covid-19

Par LeSiteinfo avec MAP

Omar Bakkou, économiste et spécialiste de politique de change, explique sa vision sur la relance de l’activité économique au Maroc après la crise du nouveau coronavirus (Covid-19).

1. Sur quels leviers devrait-on agir pour réussir le redémarrage de l’économie nationale ?

Les Etats disposent globalement de deux types de grands leviers conventionnels de relance de l’économie, à savoir la politique budgétaire et la politique monétaire.

La politique budgétaire s’appuie sur deux principales catégories d’instruments interdépendants. Ceux déployés pour oxygéner l’activité économique qui se fondent essentiellement sur la réallocation des dépenses publiques et l’allègement de la pression fiscale, et ceux nécessaires pour assurer le financement de ces deux instruments, à savoir les emprunts intérieurs et extérieurs.

La première stratégie d’action par le biais des dépenses publiques a été mise en œuvre au Maroc, dans le souci d’une meilleure efficacité, à travers un instrument véhiculaire, le Fonds spécial pour la gestion du covid-19 créé sur Hautes Instructions du roi Mohammed VI.

Ce fonds, doté de ressources conséquentes émanant de contributions du budget public, des employés et personnels du secteur public et semi publics, de dons de personnes physiques privées, a permis de financer une des opérations de réallocation des ressources monétaires, à savoir les aides financières au profit des salariés et travailleurs indépendants relevant des secteurs d’activité formels et informels en arrêt d’activité.

Ces transferts ont permis de compenser les pertes en terme de revenus dues à cet arrêt de plusieurs secteurs économiques, permettant ainsi de maintenir le pouvoir d’achat de franges de la population et, partant, de favoriser la politique nationale de confinement sanitaire.

Ces opérations peuvent ainsi être poursuivies, tout en les modulant pour attribuer les transferts monétaires vers les travailleurs relevant des secteurs les plus sévèrement affectés par les effets de la crise sanitaire. Cela permettra de soutenir la demande globale et, partant, de limiter la propagation des effets dépressifs de cette crise.

2. Pour relancer l’économie, dans quelle mesure serait-il utile de procéder à un allègement de la pression fiscale ?

L’allègement de la pression fiscale constitue un puissant facteur de stimulation de l’activité économique, à travers son action sur l’amélioration de la situation des entreprises, en abaissant notamment les coûts de production lorsqu’il s’agit de baisse des taux d’imposition des salaires et en augmentant la demande adressée aux entreprises lorsque les mesures fiscales prennent la forme de réduction des taxes.

Il a été déjà utilisé durant la période de confinement à travers le décalage des échéances du paiement des impôts et pourra également être activé fortement après le déconfinement via la défiscalisation provisoire de l’activité des secteurs les plus touchés par la crise, aussi bien en matière des impôts sur le revenu que des taxes. Cela permettra d’aider ces secteurs à résister à la baisse de l’activité et de surcroît de maintenir l’emploi.

J’ajoute qu’en matière des instruments nécessaires pour assurer le financement du budget public, l’essentiel a déjà été fait à travers le déplafonnement des emprunts extérieurs et le tirage de la ligne de précaution et de liquidité.

3. Quelles sont les mesures de politique monétaire à mettre en oeuvre pour favoriser cette relance?

En matière de politique monétaire, une deuxième vague de mesures peut s’avérer utile pour relancer l’économie nationale après le déconfinement, notamment la baisse du taux directeur de BAM, le renforcement des moyens de la Caisse Centrale de Garantie pour faire face à la demande de crédit.

Il s’agit aussi de concevoir, par les banques, de nouveaux produits financiers plus adaptés à la conjoncture, en particulier des facilités de crédit à taux nul en faveur des secteurs économiques les plus touchés par la crise (PME et TPE), ainsi que le report des échéances de crédit des secteurs économiques affectés, etc.

4. Sur ce dernier point, quels sont les secteurs prioritaires pour la période de l’après covid-19 ?

Les secteurs prioritaires sont bien évidemment ceux qui sont les plus touchés par la crise. Ces derniers peuvent être scindés en deux principales catégories: les secteurs dont l’activité dépend fortement de la demande étrangère, notamment le tourisme, l’artisanat, l’industrie automobile, le secteur minier, le textile, etc, et ceux dépendant de la demande intérieure et qui portent sur des produits de seconde nécessité comme le commerce et la production de vêtement, la communication et l’événementiel ainsi que l’immobilier.

5- Qu’en est-il du rôle du secteur privé?

La réussite de tout plan de relance requiert une bonne synchronisation entre l’action de l’Etat et celle du secteur privé.

L’Etat, à travers d’une part, la mise en œuvre rapide et efficace des bons outils de relance de l’économie, notamment ceux budgétaire et monétaire précités et d’autre part, en accompagnant cela par une bonne politique de communication, laquelle permet d’expliquer suffisamment chaque action menée et de mettre en confiance l’ensemble des opérateurs économiques.

Quant au secteur privé, son rôle est également déterminant, notamment à travers les fédérations et corporations professionnelles en remontant de manière efficace l’information aux autorités et en mettant en place des instruments de solidarité et de soutien en faveur de leurs secteurs respectifs.

Propos recueillis par Lhassan Essajide (MAP)


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