Etat d’urgence sanitaire: Rabat se mure dans le silence
Des passants ici et là vaquant à leurs besognes sans perdre de temps, des véhicules qui se font rares, des magasins fermés et un calme presque absolu… Dans la zone de Bab El-Had, en plein cœur de Rabat, le ralentissement de la vie dû à l’état d’urgence sanitaire décrété pour endiguer le Coronavirus se fait ressentir, notamment pour l’activité commerciale.
Il est peut-être tôt pour évaluer les pertes, mais pour un large segment de commerçants acculés à cessez totalement toute activité pendant la durée d’état d’urgence sanitaire, les voyants sont au rouge, surtout que cette crise coïncide avec l’approche du mois sacré du ramadan, une période de grande consommation, ainsi qu’avec les vacances du printemps, prometteuses pour les secteurs du tourisme et de la restauration en particulier.
Les autres commerçants autorisés à exercer sous l’état d’urgence sanitaire ne sont pas pour autant mieux lotis. Les vendeurs de produits de première nécessité et les pharmaciens arrivent, certes, à vendre en cette période morose, mais les marges de bénéfice ne sont plus les mêmes, notamment pour les commerces de tailles plus ou moins importantes qui font face, par-là, à des charges significatives.
« Le gros de nos ventes va à l’achalandage, mais avec l’arrêt des écoles et toute la stagnation qui s’en ai suivi, les choses ne sont plus comme avant », se plaint Mehdi, qui tient une épicerie au très animé boulevard Al Maghrib Al Arabi (tout près de Bab El-Had).
« De même, les habitudes de consommation ont changé en ces temps. Les gens du quartier qui continuent à s’approvisionner chez nous, vu la proximité, se contentent le plus souvent des produits de base, comme le lait, le pain, les légumineuses, les pâtes… et les cartes de recharge téléphonique », confie ce commerçant à la MAP.
« Naguère, notre épicerie accueillait des clients de tous genres qui consommaient de tout. Ça pouvait être des écoliers, des étudiants d’écoles privées avoisinantes ou des fonctionnaires qui venaient s’approvisionner en sucrerie, chocolats ou autres délices salées. Il y avait également des ouvriers et employés, qui préféraient nos sandwiches pas chers. Nous arrivions même à écouler les gadgets et accessoires de téléphones ou des déodorants en bonne quantité », regrette ce quadragénaire, tout en se tenant prudemment à la porte de son local, derrière une « barrière » faite en chaises, pour garder la distance de sécurité sanitaire avec ses clients.
Les épiciers ne sont pas les seules victimes collatérales des restrictions de mouvement. Certains hauts lieux du commerce attirent des clients qui viennent de loin et se trouvent, en ces temps de confinement, particulièrement touchés. Les commerçants s’activant dans les souks en savent quelque chose.
« Tous les boulevards et rues avoisinants étaient encombrés de voitures garées. Des gens venaient de quartiers lointains pour s’approvisionner chez nous », raconte Mohammed, vendeur de légumes et fruits au souk du quartier l’Océan.
« Aujourd’hui, l’ambiance n’est plus la même : les clients sont moins nombreux et bon nombre de commerçants, notamment ceux qui habitent loin, ont déserté le souk. En plus, les restrictions d’horaires d’ouverture réduisent nos chances d’écouler le maximum d’une marchandise qui, comme vous le savez, est périssable », constate-t-il, tout en se disant préoccupé, car « personne ne sait combien de temps ça va durer ».
Pas loin de lui, Ahmed, un vendeur de fruits secs, se préoccupe déjà des effets de cette crise sanitaire sur l’activité au mois du ramadan.
« On comptait énormément sur le mois sacré pour booster notre commerce et tirer profit de la hausse de consommation qui le caractérise, mais avec cette situation exceptionnelle, l’horizon n’est pas dégagé », affirme-t-il. Ainsi, les commerçants s’adaptent, chacun selon ses moyens propres, au rythme imposé par les mesures de confinement, tout en priant pour que cette situation prenne fin le plus vite possible et que les choses redeviennent normales.
S.L. (avec MAP)