Maroc: voici les revendications des pharmaciens
Ils se mettent en ordre de bataille et se mobiliseront le 10 février lors d’un sit-in devant le ministère de la Santé. Les pharmaciens exprimeront leur «ras-le-bol» face à «la dégradation du secteur». La profession vit une crise structurelle depuis les années 2000, et la stagnation du chiffre d’affaires du secteur depuis 2011 n’arrange pas les choses. Ce dernier ne dépasse pas 12 MMDH avec les achats du public», affirme Jad Allabouch, membre du Conseil national de la Confédération des syndicat des pharmaciens du Maroc.
Pour le pharmacien, «cette stagnation est fausse dans la mesure où le chiffre d’affaires du secteur n’évolue pas alors que les autres indicateurs évoluent. Cela veut dire qu’il y a un problème». Aussi, les pharmaciens avaient organisé un sit-in l’année dernière. L’ex-ministre de la Santé, Anas Doukkali, avait favorablement répondu à cette manifestation en créant des commissions. Ces dernières ont émis des recommandations pour l’amélioration de la situation des pharmaciens. Toutefois, avec le changement de ministre, c’est de l’histoire ancienne. «Même les sorties médiatiques du ministre entretiennent un climat de tension. Il y a un manque de visibilité et une absence de communication. Cela dit, nos revendications ne coûtent rien aux caisses de l’État», note Allabouch.
Les pharmaciens demandent une révision du décret de fixation des prix des médicaments. Celui-ci était accepté par les différents intervenants, mais en contrepartie de compensations, chose que l’ex-ministre de la Santé, El Houssaine Louardi, avait acceptée. Or, ces mesures de compensation n’ont jamais vu le jour. «Ce décret a découragé les investissements étrangers dans le secteur pharmaceutique qui ont chuté depuis son entrée en vigueur. Et comme les pharmaciens souffrent, cela peut impacter les autres intervenants du secteur que sont les laboratoires pharmaceutiques et les grossistes. D’ailleurs, deux grossistes ont mis la clé sous la porte l’année dernière, et l’hémorragie ne risque pas d’être jugulée», explique le pharmacien
Au niveau des officines, les pharmaciens ont constaté la baisse drastique de certains médicaments, plus commercialisés car plus rentables suite à la baisse de leur prix. «Le Levothyrox est un cas d’école. La baisse de ce produit, qui est le monopole d’un seul laboratoire, a poussé ce dernier à le vendre ailleurs. À noter que le Levothyrox le plus dosé coûte à peine 25 DH», affirme Allabouch. Il y a aussi le risque d’un transfert de fabrication. «Les laboratoires préfèrent ne pas fabriquer de médicaments et se tourner vers la promotion des compléments alimentaires. Nous avons soulevé tout cela avec le ministre Louardi, mais rien n’a été fait», note Allabouch. Et il y a le problème des médicaments coûteux qui ne sont presque jamais disponibles en pharmacie «au regard de la réduction importante des marges. Aussi, le pharmacien doit disposer de quantités très importantes; dans ce cas, le chiffre d’affaires explosera, mais la rentabilité sera quasi-nulle. Il faut rappeler que sur la marge de ces produits il faudra payer l’impôt. De plus, les grossistes rechignent à fournir ce genre de produits», révèle le syndicaliste.
La deuxième revendication des pharmaciens porte sur la couverture sociale. Selon la confédération des syndicats des pharmaciens du Maroc, la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) demande aux pharmaciens des cotisations mensuelles qui commencent à 3.000 DH. «On peut imaginer l’impact sur la trésorerie des officines déjà fragiles. Nous considérons que c’est un blocage», note Allabouch. «Un pharmacien n’est pas un dealer»
La troisième revendication porte sur la modification des lois régissant la vente de médicaments psychotropes. Ces lois datent du début du protectorat français. «Cela est honteux, mais c’est la réalité. Nous sommes traités par la loi comme le sont les dealers», regrette Allabouch. Et comme solution à cette problématique, les pharmaciens demandent la mise en place d’ordonnances numériques comme c’est déjà le cas en Algérie ou encore en Tunisie. Les pharmaciens demandent une régionalisation des lois qui régissent la profession.
«Sur ce point, il faut souligner qu’actuellement, un projet de loi sur la régionalisation des conseils de l’ordre comprend une commission de consultation nommée par le ministre. Cette commission est refusée par les pharmaciens qui estiment mieux connaître les problématiques de leur profession.
L’autre revendication des pharmaciens concerne leur intégration dans les négociations que mène l’Agence nationale de l’assurance maladie (ANAM) au sujet des médicaments génériques. «La politique de promotion du générique ne peut réussir sans l’appui de ceux qui vendent les médicaments, actuellement écartés. Il faudra aussi mettre de l’ordre dans ces produits. Aujourd’hui, un médicament peut avoir jusqu’à 100 génériques sachant qu’il y a plus de 5.500 dénominations de médicaments», rappelle Allabouch. Si on donne à chaque médicament 30 dénominations, on peut imaginer l’impact sur la gestion des stock, sur la rotation… «Nous avons besoin de politiques où les médicaments essentiels ont une place de choix et, si on veut développer le générique, il faut en limiter le nombre par médicament, comme cela se fait sous d’autres cieux. Il faut aussi un transfert de marge au profit du pharmacien», conclut Allabouch.
Jala Baazi, Les inspirations Eco