Dino Sebti: « Il y a d’autres mers à traverser ! » (Interview)
Le patron de l’agence Sigma Technologie a traversé le détroit de Gibraltar la semaine dernière. Il revient sur son exploit pour Le Site Info.
Vous avez traversé le détroit de Gibraltar à la nage. Quel était l’objectif de votre exploit ?
D’abord, l’accomplissement de soi-même. C’est un défi qui semblait fou au départ et que je me suis lancé avec mon ami Pierre Weisbein. Il se concrétisait au fur et à mesure de nos discussions et séances d’entraînement. Ma devise dans la vie est la suivante : «If there is a will there is a way». J’ai eu le «will», le «way» s’est donc fait tout seul.
Comment vous êtes-vous préparé pour un tel exploit ?
On a fait beaucoup d’entraînements, en piscine d’abord et ensuite en mer. On a parcouru beaucoup de distances (500 km en 7 mois dont 30 km par semaine vers la fin), toujours sans combinaison pour s’habituer à l’eau froide. Le plus dur était de nager en hiver sans protection thermique. Pour s’acclimater aux courants, on a souvent nagé dans l’oued Cherrat où ils sont très forts et à plus d’une reprise ils nous ont battus. Nous nous sommes retrouvés dans des situations souvent limites, en pleine mer, dans le noir total, à essayer de revenir. On est vivant donc on s’en est sorti ! La clé consiste à ne jamais paniquer. D’ailleurs, la plus grande préparation pour cette traversée a été mentale. Il fallait apprendre à chasser les mauvaises pensées : j’ai froid, je suis fatigué, je n’y arriverais pas, etc
Quelles ont été les réactions dans votre entourage ?
Extraordinaires ! Beaucoup de soutiens de mes proches et surtout de personnes que je ne connaissais pas ! J’ai retrouvé aussi pas mal d’amis de longue date qui ont ressurgi. Ces gens-là ont ressenti beaucoup de fierté nationaliste ! Ça fait plaisir ! Certes, certaines personnes m’ont dit que d’autres l’avaient déjà fait auparavant, mais à quoi bon leur expliquer que le challenge était autre que de nager sans combinaison. Enormément de personnes ont été surprises que je relève ce challenge à 51 ans. Cela m’a fait rire car à 51 ans, on est encore super jeune ! Beaucoup se passe dans la tête et je pense que l’on peut vivre jeune éternellement… avec un peu d’entraînement physique pour y aider.
Il paraît que vous avez d’autres projets…
Il le faut ! Après Gibraltar, il y a d’autres détroits, d’autres mers à traverser, d’autres îles à relier ! Le choix est large ! Mais avant de prendre une décision, on va aller se ressourcer au Morocco Swimtrek à Dakhla, le 29 novembre 2016. Il ne faut surtout pas rater cette compétition de plusieurs nations sur 30 km, qui se déroulera sur quatre jours et où l’on côtoiera des nageurs venus des quatre coins du monde, avec chacun son petit lot d’histoires incroyables (69 km en 36 h, papillon sur 10 km, course de 24 h dans une piscine de 25 m, 1.5 km dans de l’eau à 4°… sans combinaison, of course !
Vous êtes patron d’une boîte de prod. Ne regrettez-vous pas une carrière de sportif ?
Non, pas du tout ! J’adore mon travail ! Mon frère Rachid a fait une carrière sportive et a rejoint la vie active très tôt. Moi, je commence au moment où les autres déposent les armes ! Je voudrais tout de même terminer par remercier toutes les personnes qui ont pris la peine de m’écrire, de m’appeler ou de venir me voir pour me féliciter. Ça m’a énormément touché ! Sans oublier tous ceux avec lesquels je me suis entraîné, principalement au Sun Beach de Casablanca, le président du CCC, M. Jaafar Sebti. Je voudrais remercier particulièrement M. Othman Benjelloun et la BMCE Bank qui ont cru en moi et surtout Sa Majesté Mohammed VI pour nous permettre de nous sentir bien dans notre pays et d’être fiers d’être Marocains. J’aimerais enfin terminer par une pensée pour mon père, feu Driss Sebti, que Dieu ait son âme, qui me faisait faire des heures de battements dans notre piscine à la maison pendant toute ma jeunesse sans que je sache vraiment pourquoi : «Papa ! J’ai compris pourquoi maintenant !»
H.B.