Chronique de pub: quand les maîtres du zéro dominent le marché digital
Il y a presque trois ans, nous avons lancé Le Site info, Hicham Bennani et moi. Nous avions chacun une quinzaine d’années d’expérience, lui dans le monde de la presse, et moi, dans le domaine publicitaire.
Le choix entrepreneurial s’était imposé de lui-même, puisque lui et moi pensions qu’il était temps que nous volions de nos propres ailes. Le choix du digital, quant à lui, a été le fruit d’une longue réflexion, que je vais partager avec vous.
Tout d’abord, il y a l’argent.
A contrario de la presse papier qui coûte « bonbon » rien qu’au niveau de l’impression, la presse digitale, elle, hormis la conception du site, ne nécessite pas de coûts de production réguliers aussi importants. Chose qui s’est révélée véridique. Nous n’avions toutefois pas pris en considération « Monsieur Facebook » qui, à lui seul, peut représenter jusqu’à 50% des coûts. Publier les articles sur le site n’est en fait que le début de l’opération diffusion: les faire parvenir aux lecteurs. Si vous n’êtes pas encore référencés pas Google, Facebook est l’unique alternative. Je vous laisse imaginer le budget quotidien.
Ensuite, il y a la part du gâteau publicitaire.
Alors que l’investissement publicitaire sur la presse papier était en chute libre et qu’il restait stable concernant la télévision et l’affichage, le seul média en croissance, voire même à deux chiffres, était le digital. Quel bonheur ! Nous avions trouvé la poule aux œufs d’or!
Et patatras! Le réveil a été brutal.
Si, en effet, une bonne partie de l’investissement destiné à la presse papier a migré vers le digital, la destination finale n’a pas été la presse. Sur les centaines de millions investis dans le digital, moins de 20% sont directement destinés aux supports nationaux. De quoi refroidir les ardeurs de jeunes investisseurs comme nous, n’est-ce pas ? Le hic est que nous n’avions été mis au courant de cette terrible nouvelle que quelques mois après avoir lancé notre projet.
Nous avions quand même tracé notre chemin, en nous nourrissant des miettes destinées à la presse nationale et que se partagent des centaines d’autres supports digitaux. Pour leur part, Facebook, Google, Youtube et consorts, qui ont investi zéro dirham au Maroc, qui embauchent zéro Marocain, qui payent zéro impôt et taxe et qui participent à hauteur de zéro pour cent dans notre économie, se payent la part du lion et font la pluie et le beau temps sur le marché marocain de la publicité digitale.
Oui, nous coûtons plus cher. Oui nous sommes moins flexibles. Mais nous sommes 100% marocains. Nous embauchons 100% Marocains et nous publions de l’information 100% made in Morocco (ou presque). N’est-ce pas à la mode d’encourager le made in Morocco ?
Vous n’êtes pas convaincus ? Voici un autre argument.
Comment espérez-vous avoir une presse forte si elle n’a pas de moyens de ses légitimes ambitions? Comment espérer avoir une presse critique si elle n’est pas solide financièrement et qu’elle vacille dès qu’un annonceur important décide de fermer le robinet parce qu’il a été contrarié par un article? Ne vous étonnez donc pas d’avoir une presse digitale qui fait de l’excès de zèle afin de survivre.
Enfin, si tout cela ne vous convainc pas, pensez au moins à l’équité des chances! Que les Facebook, Google et autres soient soumis au même poids fiscal, au même cahier de charges… que les supports nationaux! Une demande plusieurs fois exprimée par l’ensemble des acteurs de la presse digitale auprès du ministère de tutelle. Une demande qui est restée et demeure lettre morte.
D’où la question: l’Etat veut-il vraiment une presse forte, autonome et en bonne santé ? Je vous laisse deviner la réponse.
El Mehdi Allabouch