Pharmacien au Maroc: entre mouches et abeilles
Par Jad Geronimo
L’observation des abeilles et des mouches permet de distinguer deux structures de société diamétralement opposées.
La première est une société parfaitement organisée sur un mode pyramidal avec à la base des ouvrières, au sommet une reine, responsable de l’organisation de toute la ruche, et entre les deux des mâles veillant avec rigueur au bon fonctionnement de l’ensemble avec en finalité l’élimination de toute déviation du but ultime : la production de miel et la pérennité de la colonie.
A l’opposé de cette harmonie, la vie désorganisée des mouches, insecte diptère, ne bénéficiant d’aucun des avantages de la colonie des abeilles. Elles se multiplient partout ; les larves et les mouches adultes se nourrissent des matières en décomposition ou des excréments. Elles sont des vecteurs pour plus de 100 maladies : typhoïde, choléra, salmonellose … Leur vie ne dépasse pas, au mieux, 15 jours.
Par analogie à ces deux modes de vie, il est bien tentant de faire des corrélations avec notre profession, la pharmacie.
Une fois organisée, elle se rapproche de la société des abeilles avec un organisme régulateur permettant de faire évoluer cette profession, de corriger ses déviations, de mettre à jour ses dépassements, et surtout de réagir sévèrement contre toute atteinte à l’ordre interne.
Cependant, force est de constater que la réalité s’en éloigne considérablement, qu’elle tend de plus en plus vers la désorganisation des mouches.
En effet, au fil du temps se sont multipliées des pratiques destructrices portant atteinte à l’image et à l’essence même de l’exercice officinal.
Pour ne citer que la partie visible de l’iceberg : la pratique illégale des remises auprès des clients, la contraction de conventions auprès d’organismes et de grandes sociétés.
Ces pratiques, si elles paraissent inoffensives, nuisent en fait à la qualité de l’exercice puisque la relation entre le client et le professionnel de santé qu’est le pharmacien n’est plus basée sur la qualité de l’échange, du conseil et du savoir-faire.
Cette relation devient purement commerciale et conduit la profession hautement noble de pharmacien vers un exercice où seul l’individu est important au détriment du groupe.
La situation actuelle incombe d’abord et avant tout aux ministères de tutelle qui observent de loin la fragmentation programmée de la pharmacie en préférant courir après des considérations populistes et électoralistes.
Les instances professionnelles, de par la rareté de leurs principes de démocratie interne, ont une part de responsabilité et le plus grave relève du manque flagrant d’outils juridiques qui offriraient aux organismes professionnels les mécanismes susceptibles de contrecarrer cette désorganisation.
L’écosystème de la pharmacie est en détresse. Les équilibres économiques et sociaux traversent une dure épreuve, notamment après la baisse drastique et populiste des prix des médicaments.
Rien n’est fait pour rééquilibrer la situation catastrophique que connaît le secteur. Pourtant, seules des décisions courageuses et réalisables sur le terrain pourraient sauver la pharmacie. Le retour vers une structure en ruche est toujours possible et serait bénéfique autant pour la profession que pour le malade.
On pourrait ainsi recueillir le miel des efforts mutuels et entraîner la pharmacie vers des horizons plus cléments.